[Iskandar]De l'Antéchrist à l'Archange

Prologue: La venue et l'adieu

Prologue:


"Un mythe..."

La nuit était froide en ce début du septième âge. Déjà des congères se formaient sur la plaine jadis verdoyante, désormais blanche de neige et balayée par un zéphyr glacial. Des volutes de neige s'élevaient, créant d'impressionnantes arabesques dans le ciel gris. Aucune âme ne s'aventurait sur cette étendue ravagée, craignant trop de s'égarer pour l'éternité.

La chaîne montagneuse surplombant cette toundra immaculée perçait le plafond nuageux de par son imposant sommet. Les pics les plus haut, dépourvus de toute couverture blanche, semblaient taillés à la hache et leur silhouette paraissait défier les dieux.

Hostile ne serait pas assez profond que pour définir l'ambiance néfaste du lieu. Et pourtant, d'une des nombreuses anfractuosités s'élevé un cri.

"Requiem!"

Un éclair zébra alors le blizzard et le vent redoubla d'intensité.

"Antéchrist"

Nouvel éclair, plus intense cette fois. La terre se mit à trembler, comme si un cataclysme allait se produire.

L'homme qui hurlait ces mots semblait communiquer avec les esprits. Ses yeux étaient dépourvus de pupilles et ses veines saillaient sous sa peau tendue. Il était vêtu d’une cape qui lui couvrait partiellement le visage, laissant entrevoir de nombreuses cicatrices, témoins d’un passé tumultueux. Au centre de la pièce se trouvait un puits de pierre dont l'intérieur luisait à la manière d'un métal en fusion. Sur le sol, entourant le puit, étaient représentées deux symboles arcaniques, témoins d'une puissante magie. L'inconnu se tenait dans l'une de ces représentations.

Alors qu'il hurlait de plus belle, un feu follet vient tournoyer autour d'un des cercles incantatoires. Doucement, un humanoïde en position foetale se matérialisa au centre du pentacle opposé. A l'extérieur, la tempête se calma sans pour autant s'arrêter. L'être ouvrit doucement les yeux et regarda autour de lui. Il étendit ses membres et se releva lentement, fixant l'homme qui l'avait invoqué.

Son aura a encore augmenté, c'est incroyable... On dirait que l'autre monde décuple ses forces. Ou alors, ce serait Thessalie qui lui procurerait toute cette puissance... pensa ce dernier.

Le vieil homme en tremblait presque. S'il n'avait pas été le plus grand magus qu'ait connu le monde, il aurait sans doute pris la fuite.

"Sais-tu qui je suis
"Pourquoi m'as-tu libéré, Magus?
"Ainsi donc tu te souviens de moi, Requiem."
"Comment aurais-je pu oublier celui qui m'a ôté la vie?"
"Je ne t'ai rien ôté du tout. Je t'ai simplement envoyé dans les Carcères."
"Quelle est la différence? Tu sais mieux que moi ce qu'est ce plan, rien de plus qu'une prison. J'ai passé plus d'un Apocalypse en compagnie des Titans, bannis pour l'éternité, et de ces charmantes créatures que sont les gehreleths, tu sais, ces créatures qui s'auto régénèrent après destruction?"
"Je n'ai guère besoin de justifier mes actes, surtout auprès de toi."
"Mais tu m'as ramené..."
"Exact. Tu te trouves sur les Terres de Passion de la nouvelle Thessalie. Personne n'ose s'approcher à moins de 30 lieues de ces endroits depuis que j'y siège."
"Intéressant, tellement que j'hésite à te demander de me renvoyer dans les Carcères."
"Ne plaisante pas avec moi!"

Le vieil homme crispa les poings, tant et si bien que du sang perla de sous ses ongles. Aussitôt jaillit du puits une boule de feu qui tournoya devant un Requiem impassible.

"Ne t'énerve pas, vieil homme. Explique moi plutôt la raison de ma présence."
"Thessalie a changé depuis que tu l'as... comment dire... quittée. Des volcans ont surgi du sol, bouleversant tout le relief établi jusqu'alors. Plus rien n'est comme avant et il en va de même pour les êtres qui la peuplent. Beaucoup de tes anciens 'compatriotes' ont déserté ce cloaque, préférant le calme relatif d'autres plans. Je suis mourant et rien de ce que je n'ai pu faire n'a changé une once de cette mentalité dépravée. Thessalie a besoin de toi, Requiem. Thessalie a besoin de quelqu'un pour faire comprendre ce qu'est réellement ce plan."
"Si je comprends bien, tu me demandes à moi, Requiem, celui que tu as littéralement bannis de poursuivre TA quête, à laquelle tu as lamentablement échoué, dans un but uniquement altruiste."
"Exact."
"Pourquoi avoir fait appel à moi? Je n'ai jamais cherché qu'à dominer les faibles et à écraser les personnes de ton genre. Suis-je le seul à convenir?"
"Hélas, crois-tu que je le fasse de gaieté de coeur, Requiem? Tu n'imagines pas à quel point j'ai pu te haïr et t'envoyer dans l'autre plan m'a coûté une bonne partie de ma vie. T'en ramener rapproche encore ma fin de façon inexorable. Je t'ai aussi ramené ton ancienne arme, la massue par laquelle tant de gens périrent. Puisses-tu en faire meilleur usage."

Le vieil homme se tut et toisa le colosse.

"Une dernière chose avant que tu ne rendes ta décision. Je vais t'inculquer certains sorts qui, désormais, sont monnaies courantes sur Thessalie. Tu en auras besoin."

Il reprit son souffle et tendit les bras, jusqu'à ce qu'ils soient en contact avec le torse de Requiem. Ses mains s'éclairèrent doucement, formant un halo de lumière qui se répandit tout autour de l'invocation.

"Voilà."
"Merci, vieil homme."

Lentement, le colosse tendit ses doigts vers l'arme qui le rendit célèbre. Il empoigna le manche jadis gorgé de sang et la brandit. A la vitesse de l'éclair, son bras se détendit et alla frapper la tête du vieil homme, l'envoyant s'écraser avec force contre le mur du puits.

"Dans les Carcères, on m'appelait Iskandar, vieil homme."

Il s'éloigna du cadavre et se dirigea vers la sortie de la lugubre caverne qui désormais sera le tombeau d'un grand Magus.

"Adieu, Zarathustra."

"Recontre"

A peine eût-il enjambé l'amas de gravats qui formait la porte que la tempête stoppa net. Sans doute liée à un quelconque sort incanté par le Magus désormais gisant au fond de la grotte. Toujours est-il que l'hostilité de la contrée, elle, n'avait guère changé. Le soleil commençait à poindre par-dessus la ligne brisée des montagnes, réchauffant l'atmosphère gelé. Iskandar errait dans ce funeste décor post-apocalyptique, où les volutes des geysers perçaient la neige avec force. Décidant d'orienter sa course vers l'endroit le plus accueillant -ou plutôt le moins repoussant-, le guerrier biffurqua vers le Sud. Plus longue serait la distance entre lui et ces montagnes meilleures seraient ses chances de survie.

Les rudes conditions qu'offraient une Thessalie ravagée n'avaient cependant rien à voir avec l'enfer des carcères. Lieu de bannissement utlime, les dangers y sont multiples. Entourrés des Titans, enfermés en ces lieux par les divinités grecques, et par les gehreleths, la survie n'est due qu'à une concentration de tous les instants.

Le décor commença à changer au fur et à mesure que l'astre du jour progressait dans le ciel. Les steppes enneigées laissèrent place à une large plaine verdoyante, qui rayonnait de vie comparée à la toundra qu'Iskandar venait de quitter. De la végétation apparaissait ça et là, s'épaississant de plus en plus jusqu'à devenir une véritable forêt. Une odeur de feu de bois annonçait une présence de nature "intelligente" dans les environs. Sa massue, fixée à son dos, était le seul bagage dont s'emcombrait Iskandar que la faim commençait à ronger. Cette odeur lui réveilla les sens, le ramenant à la triste réalité qui était désormais sienne. Un bruissement vint troubler la calme torpeur de ces bois, indiquant que ces créatures "intelligentes" l'avaient repérées.

Ne se souciant guère de ce qui pourrait advenir, Iskandar poursuivit son chemin. Au détour d'un rocher, 3 hommes l'attendaient de pied ferme, armes au poing. Un d'eux tenait un arc bandé tandis que les deux autres se contentaient d'une simple épée classique. Vétu de vieilles frusques, tout indiquait qu'ils ne venaient pas souhaiter la bienvenue à l'inconnu mais qu'ils étaient plutôt intéressés par un quelconque bénéfice.

"Olà, étranger! Pas un pas de plus! Tu te trouves sur le territoire de Sir Bepher sans son autorisation." lança le plus grand des trois.
"Ravi de l'apprendre." répliqua Iskandar sans faire mine de s'arrêter.
"Sais-tu ce qu'il en coute de désobéir à un ordre du suzerain de ces terres?"
"La mort sans doute..."

Et il continua à avancer. N'étant plus qu'à quelques mètres du trio qui, à son approche, s'était éloigné les uns des autres, la tension monta encore d'un cran. L'archer était prêt à faire pleuvoir les flèches sur l'énorme silhouette.

"Arrête toi là où tu es maintenant si tu ne veux pas rejoindre tes ancètres."

En une seconde, le chaos se répandit. Bondissant sur l'archer qui se tenait à gauche des 2 autres, Iskandar lui assena un terrible coup de massue avant même qu'il ne puisse lacher la corde de son arc. Les deux brigands restant foncèrent sur le colosse, l'épée brandie. Une feinte permit à Iskandar de se retrouver sur le côté d'un des bretteurs dont il enfonça sa massue profondément dans les côtes. L'impact brisa la colonne du malheureux, lui broyant les organes. Le dernier survivant, blanc de peur, fit volte face et tenta de s'échapper en courant. D'un geste précis, Iskandar envoya voler son arme dans les airs, éclatant le crâne de l'impétueux.

Transpirant, l'ancien guerrier se releva, contemplant son oeuvre. Une voix surgit alors dans son dos, accompagnée par un clappement de mains.

"Bravo. J'ai rarement vu une telle rapidité et précision chez un homme de ta taille." dit le nouveau venu, épée au fourreau.
"Je me demandais quand tu allais intervenir. Tu dois être le dénommé Sir Bepher." répliqua Iskandar, un sourire aux lèvres.
"C'est exact. Bien que Sir soit un peu présomptueux pour un homme tel que moi qui ne possède, pour ainsi dire, rien. J'avais trois hommes sous mes ordres, ma horde vengeresse se retrouve donc pirvée de 75% de son éffectif. Diantre..."
"Et on a le sens de l'humour avec ça... Je finis les 25% qui restent maintenant ou tu souhaites continuer à palabrer de la sorte?"
"Ma foi, avoir un tel interlocuteur est très enrichissant. Et puis, si tu avais voulu me tuer, je ne serais sans doute déjà plus là."
"Perspicace."
"Et bien plus encore. D'aucuns me qualifient comme étant un des meilleurs bretteurs de ma génération et je ne compte plus les pucelles (qui ne le sont plus d'ailleurs) éplorées que j'ai laissé aux 4 coins de Thessalie."
"...Et dont les pères t'ont poussé à te retrancher dans une forêt des plus sympathiques."
"Je vois... Moi qui me disait futé, je suis tombé sur plus fort que moi. Accepterais-tu de partager le produit de ma chasse?"

Sur ce, il fit demi-tour et se dirigea vers le feu qui crépitait à quelques lieues de là. Iskandar le suivait, observant l'agilité avec laquelle se déplaçait Bepher. Tel un loup, il évitait les pièges du tapis de feuilles et le silence de ses déplacements était tout simplement pur.

Arrivé autour du feu, Iskandar remarqua qu'il n'y avait guère plus de 4 personnes qui y avaient séjournés. L'homme n'avait donc pas menti. Deux lapins étaient en train de rotir à la broche et Bepher lui en tendit un, sans ajouter un mot. Ils mangèrent en silence, s'épillant de temps à autre.

Le repas terminé, Bepher reprit la conversation.

"Puis-je savoir d'où nous viens-tu? Au Nord, il n'y a que désolation."
"Du Nord."
"Ah. Rassurant. Quel est ton but?"
"Pour le moment, il n'est pas fixé. Jadis, je foullais cette terre, mettant d'autres royaumes à mes pieds. Sans doute vais-je tenter de retrouver cette façon de vivre."
"Chacun ses petits plaisirs. Je t'accompagne."