Menace sur la Cité

La pénombre nocturne cédait lentement face aux rayons du jour naissant. Une fine brise se leva, faisant danser quelques brins d’herbe rebelles contre la joue de Sankh. Comme à son habitude, il s’étendait dans ce pré toute la nuit du jour de l’Ours durant, admirant inlassablement les étoiles parsemant l’infini.

Le Saint Ange savourait ces moments de solitude où l’extrême fraîcheur de la nuit lui mordait les joues, où l’obscure lumière de la nuit se refermait sur lui, lui faisant prendre conscience de sa vulnérabilité face à la Mère Nature.

« Les Hommes sont si sots. » pensa-t-il en souriant.

L’Humain consacre sa vie entière à la conquête de ces plaines, alors que d’un claquement de doigts, la Nature pouvait provoquer l’Apocalypse…

Sankh n’avait jamais compris le besoin pour ces fortes têtes de toujours vouloir plus, de toujours chercher pouvoir, respect et supériorité… C’est d’ailleurs pour chasser ces hommes que Sankh était là, afin de maintenir la balance du bien et du mal en parfait équilibre, pour que Thessalie ne sombre jamais dans les affres infernales. Telle était la mission dont les hautes puissances avaient chargé les Veilleurs de Thessalie et cette douce matinée en serait la parfaite image…

Alors que le Saint Ange se relevait, repassant son habit mouillé par la rosée du plat de la main, un homme aussi richement vêtu qu’armé se présenta à lui. Remarquant l’énorme couperet qui pendant de son ceinturon, la main de Sankh se crispa sur la poignée de Celesta.

« N’ayez crainte Sire, je ne viens qu’en messager du Seigneur Bowbaq, Grand Chef du clan de l’Oiseau. Pourrais-je parler au dirigeant de cette cité ?

-Vous lui parlez » Mentit Sankh, curieux d’en apprendre plus sur ce Bowbaq.

Le messager hésita longuement, puis, voyant les quelques passants mettre nez à terre pour saluer l’ange, il poursuivit :

« Mon maître m’envoit vous prévenir qu’il prendra possession de vos terres au crépuscule. Il espère que la passation de pouvoir se passera sans encombre, et que vous vous rendrez gentiment, sans avoir recours aux armes. Vous pouvez évidement encore nous servir. »

Remarquant l’impassibilité du visage de son interlocuteur, il reprit :

« Vous avez jusqu’à l’apogée pour nous formuler votre réponse.

-Nous de céderons jamais face au mal.

-Sauf votre respect, Sire, le bien et le mal n’existent pas, seul le pouvoir importe en ces temps de trouble. »

Puis il salua Sankh avec respect avant de faire demi-tour en direction des hautes tours du Clan de l’Oiseau. Il disparu au loin, englouti par le Soleil émergeant…


L’ange médita quelques instants avant de prendre la direction du campement des Veilleurs.
Ce genre de décision ne se prenant évidement pas seul, il envoya Talaban quérir le reste de la Communauté.

Moins d’un décan plus tard, la quasi-totalité des Veilleurs étaient au rendez-vous, assis dans l’immense salle circulaire du Concil qui surplombait Sankh de toute sa splendeur.

« Mes amis, mes frères, (Sunkh ne pût s’empêcher de lancer une remarque cynique à l’écoute de ces derniers mots) je vous remercie de votre présence. Mon cœur s’emplit de joie en vous voyant tous ici présents.
Malheureusement, mes mobiles sont des plus graves et je crains que cette réunion ne vous apporte plus d’affliction que de réjouissance.
Honorés Veilleurs, à mon grand regret, je suis porteur de mauvaises nouvelles. »

Sankh marqua une pause afin de s’assurer que l’attention de l’assemblée lui était acquise. En cela il n’eut pas à se plaindre : tous les regards suivaient chacun de ses mouvements, plus personne n’osait respirer de peur de manquer une goutte du discours du Saint Ange.

« Alors que notre groupe n’est pas même entièrement formé que de hautes puissances tentent déjà de conquérir notre cité. D’après mes connaissances, leurs troupes s’élèvent à plus de six milles hommes. Nous ne pouvons abandonner ces terres et laisser le mal gonfler un peu plus ses rangs avec les mercenaires de la région. Comme vous le savez, le nombre fait bien souvent la force, et ce n’est pas à trente que nous ferons tomber ces hordes de barbares.

-Nous pourrions prendre la populace du coin sous notre aile et chercher de l’aide dans les environs. Nos remparts sont les plus solides de la région !

-J’en conviens mon ami mais le temps nous est malheureusement compté, l’ennemi passera à l’offensive dès la fin du septième décan. »

Un silence pesant s’installa dans l’assemblée. Sankh le rompit avant que le doute de s’immisce dans les esprits.

« Il reste une solution. Dangereuse, certes, mais pas impossible. Cette mission reposerait sur la discrétion et la furtivité, le groupe ne s’élèverait pas à plus de trois d’entre nous. Elle consisterait à s’infiltrer dans le campement ennemi et à terrasser Bowbaq dans ses quartiers. Sans un meneur pour leur donner des ailes, les armées barbares déposeraient les armes et la victoire serait notre. »

La tension s’intensifia jusqu’à devenir palpable et seules les aiguilles de l’horloge massive osaient briser le lourd silence.

« Qui me suivra dans ce périple ? »

---
Note :
-1 décan = 2h10
-Apogée = Midi, fin du 3eme décan.

Hrp : RP en groupe. Maximum deux participants supplémentaires, à vous de continuer

Elle assistait rarement aux diverses réceptions organisées, sa discrétion excessive a même créé des remous et certains Veilleurs avaient des doutes sur elle.

Cette soirée là et vu l’urgence de la situation elle franchit le pas de la salle du conseil pour prendre part au débat.

L’allure frêle Azura était grande et mince, son teint pâle ajoutait au mystère qu’elle dégageait, ses yeux bleus cristallins faisaient larmoyer les plus durs regards qui les croisaient et sa tignasse blonde ajoutait une touche mélancolique à l’expression de son visage parfaitement ovale.

Je voudrais vous accompagner.

S’était-elle fait entendre au moins? Elle n’en était pas trop sûre mais comme elle avait entamé la conversation elle continua sur le même ton.

Tuer son ennemi n’est certes pas la meilleur des solutions, mais je ne peux rester sans réagir quand la menace pèse sur l’un de mes confrères.

Les flammes dansantes dans les multiples chandeliers qui égayaient la grande pièce, et la chaleur qu’elles procuraient ne fit rien contre les frissons qui se saisirent soudain d’Azura, elle trembla de tous ses membres et le cliquetis de ses mâchoires la gênait presque pour poursuivre ses commentaires.
Elle passa ses mains de part et d’autres de ses avant bras, et frictionnant sa peau à travers le léger tissu elle s’adressa à l’ange.

Je pourrais donc vous être très utile, ajoutez a cela que je suis une femme et vous êtes sans ignorer que de tout les temps la plus grande faiblesse de l’homme pour les plaisirs de la chaire.

Un silence pesant régnait dans la salle du conseil et ça n’était pas pour encourager la jeune femme pour aller au bout de ses pensées. Elle fut frappée par une idée qui la fit soudainement rougir. Ses joues s’enflammèrent et enchaîna dans son monologue pour écarter les doutes qu’elle présageait.

Ne vous méprenez surtout pas cher ange! Je ne me ferais jamais passer pour ce que je ne suis et serais pas. Par contre je suis certaine que je pourrais aisément tenir les vigiles et gardes de Bowbaq occuper lorsque vous vous chargerais d’expédier leur chef dans le trépas.

Douteuse, Azura posa un regard furtif sur chaque personne présente dans la salle et l’air de s’adresser à tout le monde en même temps elle acheva ainsi

Je pense que vous me comprenez. Je vous serais d’une grande aide d’une manière ou d’une autre croyez moi… mon arme est déjà aiguisée et attends d’être utilisée.

Les deux frères n’étaient visiblement pas prêt à faire de concessions pour que l’expédition se déroule sans tracas.

Tout d’abord amusée par leur prise de becs Azura les ignora sans se mêler de leurs embrouilles.
Une fois le campement ennemie en vue Sunkh fit part de ses intentions en brondissant sa lourde épée, et l’ange dérouté par la réaction violente de son frangin tentait de ralentir ses ardeurs, mais en vain.

Avec tout le tact dont seule elle savait user Azura les rappela à l’ordre avec une douce fermeté et leur exposa son plan.

Nous ne sommes pas nombreux pour affronter tous ces soldats juste à nous trois et je doute que nos épées servent à grand chose devant toute l’artillerie qu’ils possèdent.

Par contre nous allons être plus futés et par la ruse nous arriverons jusqu'à la couche de leur chef sans que personne ne se rende compte.
J’estime être la personne qu’il faut pour mener à bien cette première étape.

Nous allons abandonner nos destriers à cette place même, et nous rendre à pieds jusqu’aux abords du campement. Je vous ferais passer pour mes deux frères sourds et muets et donc vous devriez garder le silence tout le long. J’expliquerais que nous nous sommes fait attaquer et dépouiller de nos montures et demanderais le gîte pour la nuit.
Nous pourrions ainsi mettre la main sur Bowbaq sans trop de remous et nous nous occuperons de son cas.
Qu’en pensez vous?

La jeune femme ne laissait apparemment pas le choix à ses deux acolytes, elle mettait déjà un pied à terre et entreprit d’attacher la bride de son cheval au tronc d’un arbre.

Sunkh, ou plutôt son corps, suivit ses deux coéquipiers. Ils sellèrent leurs montures à l’orée d’un bois avoisinant, bien à l’abris derrière quelques haies touffues.
Après avoir revêtus de longues capes qui les dissimulaient de la tête aux pieds, ne laissant que leur visage émerger à la lueur propice d’une faible chandelle. Autant dire que les faces pâles et émaciés des jumeaux avaient de quoi effrayer dans cette accoutrement. Et c'est ainsi qu'ils pénétrèrent prudemment le camp barbare de Bowbaq.


~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~


Alarnia contrôlait ses moindres mouvements. Sunkh ne pouvait même plus bouger le petit doigt, il assistait, impuissant, à la scène. Il voyait, entendait, sentait, touchait, mais ne pouvait même pas remuer le petit doigt.

°C’est quoi encore ces conneries ? Depuis quand une épée vit-elle ?

°Je te permettrais de parler une fois que tu seras fort, compris ?

°Si tu crois que je vais me laisser dominer par un cure-dent.

Il tenta de reprendre le contrôle, repoussant l’âme d’Alarnia jusqu’aux portes de son esprit. Il put à peine remuer son bras droit un court instant, que l’arme avait déjà repris les rennes.

°Essaye ça encore une fois et je me plante dans ton cœur. Tu sembles oublier que même si je le contrôle, ce corps n’est pas à moi, et je me contrefiche de ce qui peut lui arriver. Les hôtes pullulent par ici, et je doute que tu sois le plus puissant…

°C’est ça cause toujours, en attendant tu m'ennuies avec tes discours… J’vais pioncer un coup, réveille-moi quand tu… on sera sur le point de crever.

°Tu ne…

°Zzzz…

°Crétin !


Ils avancèrent prudemment le long des ruelles boueuses du poste avancé barbare.
Sankh était plutôt détendu, mémorisant précieusement quelques repères qui leur permettraient de se retrouver dans ce capharnaüm. Pourtant, si tout se passait bien, il n’y avait pas d’inquiétude à avoir, ils élimineraient silencieusement le chef et sortiraient du campement tout aussi discrètement. C’était sans compter leur facteur hasardeux : Sunkh, et les regards fous qu’il lançait de droite à gauche, évaluant les humains présents, n’étaient pas sans rassurer le Saint Ange.

« Un renard devant des poules… Il n’est plus le même, mieux vaudrait garder un œil sur lui. »

Le campement était divisé en 3 parties, les bas-fonds, où rôdaient les étrangers, les voleurs, les mendiants et autres racailles, la caserne, où était répartie les différentes hordes de barbares, et le campement principal, composé des tentes des hauts-placés, des généraux, et notamment… des appartements de Bowbaq.

Les bas-fonds ne posèrent pas trop de problèmes, les quelques brigands et cloportes qui avaient espéré quelque profit au passage du trio furent vite éconduits par un regard glacé provenant de la fine silhouette encapuchonnée. Traverser la caserne se révéla plus ardue, les soldats bien que peu disciplinés, lançaient des regards inquisiteurs à tout va, et les trois Veilleurs ne passèrent que de justesse.

Arrivés à l’entrée du camp principal, ils s’arrêtèrent à quelques mètres des gardes en place.
Sunkh murmura d’une voix grave :

« Je couvre vos arrières, foncez et butez moi l’autre tas de graisse.
- Non. Si on te laisse ici tu vas faire une bêtise, je le vois dans tes yeux.
- Depuis quand tu m’fais les yeux doux toi ?
- Taisez-vous vous deux, je vous rappelle que vous êtes mes frères sourds et muets.
- Je suis ni sourd, ni muet, et ton plan foireux je m’en balance ok ?
- Pauvre rustre, heureusement que j’ai un minimum de jugeote et que je ne te glace pas jusqu’au sang.
- C’est ça… Hé la frigide… Pour commencer, tu pourrais déjà dégeler ta…
- Sunkh ! Tu es devenu fou ou quoi ?
- Non ! C’est très bien ! Il n’a qu’à rester ici pour « couvrir nos arrières », si on l’emmène avec nous, il ne fera que nous créer des problèmes et nous réduirions nos chances de succès.
- Je n’ai pas confiance.
- Ecoute la madame, petit ange, maman ne t’a pas dit qu’il faut toujours écouter les femmes ? »


Quelques regards lourds de signification plus tard, Azura, Sankh à ses côtés, s’avançait vers les deux gardes, tandis que Sunkh, resté en retrait, s’adossa contre un mur, enleva sa capuche et respira un bon coup.

« Bon… 2 gêneurs en moins, je vais enfin pouvoir passer à table… »

Ses yeux virèrent au rouge.

Malgré sa patience débordante elle ne supportait presque plus les sarcasmes du démon.
Elle ignora ses dernières répliques pour rassurer l'ange inquiet.

Il ne fera pas de bêtises, vous vous en faites pour rien, et si c'est le cas il n'aura qu’à se blâmer lui-même.
Ne vous laissez pas détourner par notre mission première, allons à la recherche de Bowbaq avant que le jour ne se lève et éclaire ce campement.
Les vigiles ont l'air bien assommés, ça doit être l’effet de toute la boisson consommée pendant le banquet.

Ce que je vous propose Sankh c'est de nous séparer, vous allez regarder dans les tentes à gauche de cette allée et moi je prendrais l'autre coté.
Une fois que nous auront trouvé celui que nous cherchons nous lancerons une torche enflammée dans les air pour indiquer notre emplacement et ainsi nous retrouver pour régler son compte à notre cible.

L’air évasif de l’ange inquiéta Azura qui le secoua en le tenant par les épaules.

Je vous dis de cessez de vous en faire pour votre frère, on aurait jamais dû le laisser nous accompagner, je savais qu’il ne pouvait être qu’un fardeau. Le temps nous est compté et je ne pense pas que Bowbaq hésitera autant que vous quand il sera prêt à mener l’assaut sur notre cité.

[HRP] Mon Susu d'amour, Azura te permet de faire reagir son perso, mais je ne pense pas qu'elle t'aurait traiter d'imbecile comme tu l'as mis dans ton précédent post. Elle est trop noble la Azuzu pour employer un tel langage [/HRP]

Sankh courait à toute jambe en direction du campement ouest et ce n’est qu’à son entrée, le souffle court, qu’il ralentit la cadence. Son cœur battait la chamade et la course effrénée n’y était étonnement pour rien. La seule qui donnait ainsi le tournis à ses sentiments n’était autre qu’Azura… Sa voix, son visage, son odeur, tous ces petits détails restaient dans l’esprit du Saint Ange, ces mêmes images qui se diffusaient dans le moindre pore de son corps au rythme des battements de son coeur. Cette femme était-elle une déesse ? Ses traits fins, ses yeux bleus plus profonds que les océans des Elysées… Pourquoi ? Comment ? Mais là n’était pas la question, la mission devait prendre le dessus sur ses envies, la vie est faite d’impératifs et de priorités, « malheureusement » ne put-il s’empêcher de penser. Il aurait aimé rêver d’elle un peu plus encore, quelques secondes, se laisser aller à son imagination, la redessiner, la sentir, lui sourire…
Cette femme lui inspirait une incroyable confiance, autant dans ses manières que dans ses paroles, et le cœur tendre des deux Veilleurs les unissait d’une amitié non feinte. Cependant, il ne pouvait s’empêcher de craindre pour elle, il ne pouvait s’empêcher de s’en vouloir de la laisser ainsi seule face à ces hordes de barbares. Il la savait capable, si bien qu’il n’eut jamais voulu se trouver sur son chemin face à elle, mais c’était ainsi, il avait peur de la perdre, peur de se perdre…

Une petite main le ramena à la réalité. Main qui s’adonnait à la lourde lâche de le détrousser de sa bourse. La jeune fille n’eut pas même le temps de la toucher, plaquée immédiatement ventre au sol, un couteau sur la gorge. Le Saint Ange fulminait, comment cette enfant avait-il pu s’approcher sans qu’il s’en aperçoive ? Lui qui, même endormi, pouvait clairement discerner les va-et-vient dans tout le royaume. En la regardant de plus près, cette enfant n’en était pas une. Malgré sa petite taille, elle avait déjà les courbes, le charme et l’agilité d’une jeune femme. Il finit par la lâcher, au grand étonnement de cette dernière. Sankh sonda rapidement son esprit. La damoiselle ne cessait de l’étonner : en plus de l’avoir ainsi approché, elle possédait déjà quelques talents en matière de protection mentale. Trop faibles certes pour empêcher le Saint Ange d’explorer sa mémoire, mais suffisamment pour lui provoquer un certain malaise. Ainsi donc elle s’appelait Winna. Elle ressemblait en plusieurs points à Azura. Elle avait des cheveux bruns, longs et soyeux, contrastant avec le teint plus clair de la femme de glace, mais la même profondeur de regard, le même charme, la même prestance… C’en était troublant, trop peut-être.

-Désolé de t’avoir ainsi malmenée, commença-t-il pour l’aborder, je t’ai prise pour un assassin.

-En ai-je vraiment l’air ? Lança-t-elle avec un sourire complice.

L’ange lui rendit son sourire et poursuivit, gêné :

-Quel est ton nom ? Et que faisais-tu là ?

-Je… Mon nom est Austra.

Elle avala avec difficulté.

-J’en avais après votre bourse, comme vous pouvez le voir… Il faut bien manger. Qu’allez vous faire de moi à présent ? Me violer ? Me tuer ? Me… manger ?

L’ange ne put retenir un éclat de rire.

-Pourquoi vous moquez vous ? Mère me racontait sans cesse ce genre d’histoire dans ma jeunesse ! Je connais les coutumes des bandits comme vous mieux que quiconque !

-Bandit dis-tu ?

-Je…

-En ai-je vraiment l’air ? Lança t-t-il à son tour, les yeux pleins de malice.

La jeune femme ne put s’empêcher de rire à son tour. Elle se laissa tomber sur l’herbe fraîche et regarda le Saint Ange dans le blanc des yeux.

-Vous n’avez toujours pas répondu.

-De ?

-Mon sort pardi !

L’ange lui jeta sa bourse.

-Tu l’as bien méritée, prends tout. Mais fais plus attention la prochaine fois, tous les hommes ne sont malheureusement pas aussi compréhensifs que moi…

Il dessina de son doigt dans l’air et fit apparaître une rose rouge, qu’il déposa sous le nez de la jeune femme avant de lui tourner le dos et de continuer sa route vers les portes du campement.

Des bruits de pas s’intensifièrent derrière lui.

-Monsieur l’ange !! Je…

-Je t’ai donné là tout ce que je possédait, je ne vais tout de même pas rentrer nu comme un ver !

-Hihi, biensûr que non ! Je…

Elle hésita quelques instants puis déclara :

-Pourrais-je vous accompagner ?

Voyant que l’ange allait donner une réponse négative elle s’empressa de continuer :

-Je vous ferai à manger tous les jours ! Je serai votre femme si vous le désirez et vous donnerai autant d’enfants que vous le voulez !! Je vous en prie seigneur, ne me laissez pas ici… Prenez moi avec vous, je me ferai petite, je le jure…

-Et tes parents ?

La jeune femme baissa la tête.

-Morts, tous deux… Plus rien ne me rattache à cet endroit si ce n’est la maison de plaisirs où j’ai été vendue. Vous êtes mon seul espoir…

-Soit , se contenta-t-il de déclarer avec un franc sourire qui illumina le visage de la jeune fille.

Elle se releva et déposa un tendre baiser sur les lèvres de l’ange dont les joues s’empourprèrent immédiatement.

-Excusez mon indiscrétion mais…

-Sankh.

Le visage de la jeune femme changea du tout au tout, figé, les yeux ecarquillés.

-Sankh… Sankh le Saint Ange ?!

Des larmes perlèrent sur ses joues. Elle se lova dans les bras de Sankh, déversant un torrent de larmes chaudes, larmes de joie. Enfin, enfin son calvaire se terminait, ici... maintenant.

-Merci pour tout…

Sankh lui caressa les cheveux et plongea son regard dans le sien.

-Ne crois pas pouvoir profiter de la bonté. Je t’entraînerai aux armes, t’initierai à la magie et t’inculquerai les préceptes de Pélor ! Ta vie ne sera pas de tout repos, nous ferons de toi une femme exemplaire , s’exclama-t-il avec un air faussement sérieux.

Une fois encore le visage de la jeune femme s’illumina de mille feux.

-Et je pourrais aussi faire apparaître des roses rouges ?

-Des champs entiers ! Allons-y Austra, ne perdons pas une seconde, j’ai une commission importante.

-Sire Sankh ?

-Trève de courtoisie, appelle moi Sankh.

-Si… Sankh je… Je me nomme en réalité Winna…

-Ca, je le savais déjà , s’exclama-t-il avec un clin d’œil.

Voyant l’incompréhension de la jeune femme, il poursuivit :

-Je t’apprendrai tout cela une fois rentrés, sois sans crainte ! Dis moi Winna, connais-tu le seigneur Bowbaq ?

-Bien entendu, c’est la pourriture qui m’a vendue dans cette maison de plaisirs ! Il est le tyran de la région et applique une politique effrayante sur la populace ! Il est horrible, me répugne plus encore que la mort de mes parents…

-Sais-tu où il se trouve ?

-Oh que oui… Je ne le sais que trop bien… Il m’a déjà… « Utilisée ». Sa tente n’est pas si loin, à quelques centaines de mètres à peine si nous marchons plein nord. Mais n’y comptez même pas, la horde de barbares se trouvant derrière ces lourdes portes est assoiffée de sang et nous n’aurions pas fait deux pas que nos têtes rouleraient sous les pieds du tyran.

-Très bien, tu vas m’attendre là pendant que je me charge de lui. Ne bouges surtout pas. Si je ne suis pas revenu dans deux heures, fuis vers le sud avec la bourse, tu devrais pouvoir tenir quelques mois avec celle-ci. Ne m’attends pas plus longtemps Winn, la vie n’est pas un jeu, elle ne vaut pas la peine d’être perdue pour un étranger. M’as-tu bien compris ?

-Je vous accompagne, il est hors de question que je…

Sankh agita ses pupilles et Winna s’effondra, endormie.

-Nous ne sommes pas tous faits pour la guerre, Winn…

Il remit en place les cheveux de la jeune femme, déposa un baiser sur son front et s’élança à l’intérieur du campement.

Il n’eut pas de mal à avancer jusqu'aux quartiers de Bowbaq, sa rapidité légendaire surpassant l’attention des quelques barbares peu attentifs placés ça et là. C’est donc avec un profond soulagement qu’il atteignit son objectif, sans effusion de sang, sans morts inutiles… mais le plus dur l’attendait à présent. Il se retira de quelques pas et propulsa la torche enflammée dans les airs, attendant l’aide d’Azura…

Elle était soulagée de ne plus se trouver en présence du jumeau à l'esprit tordu. Son frère était tout l'opposé de lui. Il observait Azura exposé son plan sans ciller, respectueux et réservé comme à l'accoutumé et sa façon de la regarder créa chez elle un état de malaise assez perceptible.

L'ange prit enfin l'initiative d'aller fouiller à l'opposé de la direction qu'avait choisi Azura, tandis que la jeune femme se faufilait déjà au coeur du campement.

Quelques tentes étaient encore éclairées et des sons de voix se mêlaient aux crépitements des foyers de bois. La jeune femme se faisait très discrète. Une main posée sur le pommeau de sa dague attachée à son ceinturon au niveau de sa taille, de l'autre elle pouvait écarter les rideaux des abris et jeter un coup d'oeil rapide à l'intérieur sans se faire remarquer.

Certaines situations la choquèrent et d’autres l’amusèrent dessinant un sourire franc sur sa face. Comme ce saoulard qui chantonnait à l’oreille de sa jument et qui lui faisait des louanges faisant référence à sa beauté, comme s’il s’adressait à une femme.
La diplomate pensa alors que le vice d’abus l’hydromel et des autres sortes de drogues et nectars ne pouvait que faiblir la vigilance de ceux qui les consomment et elle se réjouissait de ne pas céder à ce genre de tentation malsaine.

Une fois la partie sud du campement ratissée, elle fit demi-tour pour aller retrouver l’ange et savoir ou en était-il arrivé, s’il avait mis la main sur Bowbaq.

Quelle fut sa surprise lorsqu’au détour d’une tente elle tomba sur Sankh qui était entrain d’embrasser une jeune fille tout en lui faisant un de ses tours de passe passe, sûrement pour l’épater et même la séduire pensa amèrement Azura, la rose qu’il lui offrit lui fit apparemment plaisir et la femme de glace sans s’attarder sur cette image attendrissante de l’ange avec l’inconnue et sans attendre la suite des événements quitta sa planque pour aller fouiller encore dans le campement.
Songeuse à ce qu’elle venait d’assister elle ne fit pas attention à l’ombre qui la guettait dans le noir, jusqu'à ce qu’une masse imposante se lança sur son dos.

Azura se retrouva le nez dans la poussière, les mains rattachées à son dos par celle de l’individu qui venait de l’attaquer. Elle ne parvint pas à voir de qui il s’agissait et essaya entre temps de se dégager de l’emprise de son assaillant pour se saisir de sa dague mais sans succès.

Soudain en se concentrant très fort à une stratégie pour se libérer son esprit se figea sur une image précise et en même temps ses mains frissonnèrent de froid, des tremblements saccadés se saisirent de tout son corps entraînant l’individu dans ses mouvements.
Azura arriva a se soutirer du poids de l’attaquant et se releva sans peine. Son habit était déchiré à certains endroits et ses cheveux pleins de poussière lui tombaient sur les yeux.
Dans l’obscurité de la nuit elle se heurta à ce qui semblait être un gros rocher.

La jeune femme écarta les mèches qui lui cachaient la vue pour s’apercevoir que le corps de l’homme s’était transformé en une statut de glace.
Azura fit un bond en arrière choquée par ce qu’elle venait de découvrir, elle ne réalisait pas encore que ceci n’était qu’un infime pouvoirs parmis ceux qu’elle possédait.

Elle serait rester à contempler l’étrange scène plus longtemps si ce n’était le signal qu’elle avait convenu avec l’ange, une torche flamba à ce moment dans le ciel.

Sankh a sûrement retrouver celui que nous cherchons, je devrais me dépêcher pour l’aider à accomplir cette pénible mission.

A bout de forces après le combat qu’elle venait de livrer et les quelques ecchymoses sur les bras et les cuisses, dues à sa chute, Azura traîna du pied pour aller rejoindre l’ange.

Il l’attendait seul, sans la jeune fille pour qui il témoignait plutôt son affection. Sans le questionner ni lui laisser le temps de l’interroger sur son état, d’un ton sec et évasif elle prit la parole en premier.

Vous avez trouvé la tente de Bowbaq? Si oui qu’attendons nous pour aller nous occuper de son cas?