[Snake]Livre 5 - Snake - Un tout autre destin

Les étoiles commençaient doucement à s'éteindre dans l'aurore naissante du jour. La nuit avait été longue pour la frêle silhouette que l'on apercevait sur le sommet du rempart et pourtant aucune affaire urgente ne réclamait une telle veille.

Cette jeune mage n'avait certes qu'un petit royaume et des terres relativement peu fertiles mais ses paysans lui étaient des plus fidèles et faisaient tout pour que l'herbe soit la plus verte possible.

Au loin, des bruits de claquement de portes indiquaient le réveil du royaume. Les soldats enfilaient leurs cuirasses d'entrainement sans grande conviction. Les jours se succédaient depuis peu, mornes et sans nouvelles du front.

Les derniers combats avaient laissé de nombreux morts sur le champ de bataille. Les statisticiens avaient déclaré la défaite des puissants Neons, l'ange cornu avait tempéré les chiffres bruts mais n'en avait pas moins déclaré la fin de la guerre "amicale" et perdu sa confiance en lui. Il avait désigné son fidèle second comme son successeur mais la maitresse de céans n'avait point reçu de missives de ce dernier. Les ordres étaient resté vagues, trop sans doute. Certains seigneurs en avaient profité pour visiter les femmes de leurs royaumes, d'autres trop sur d'eux et sans grand honneur tentaient d'envahir les petits royaumes voisins.

C'est dans ce contexte que, cette jeune fille répondant au doux nom de Khanya préparait son départ. Elle allait devoir laisser son royaume à ses serviteurs et bien qu'elle ait toute confiance en eux, elle n'était pas tranquille. Son sommeil s'en ressentait fortement.

Elle espérait que l'ange cornu, qu'elle avait rencontré que récemment, reviendrait sur sa décision même si le peu qu'elle connaissait de lui, faisait paraître cette envie comme fort peu réalisable.
L'hésitation et les doutes qu’elle n’avait pu résorber cette nuit ainsi que les précédentes, s'en ressentirent d'autant plus que l'ange cornu ne donnait pas de nouvelles, lui qui était pourtant prolixe habituellement.

L’ange avait parcouru des champs fertiles et des bourgs prospères mais aussi des domaines qui manquait d’entretien. Son arrivée dans le royaume du Prince d’Ethernia lui avait fit froid dans le dos, on sentait sa présence à chaque pas, chaque brin d’herbe luttait pour sa survie.

Un serviteur, petit et silencieux, lui avait ouvert puis guidé dans des couloirs de plus en plus sombre et humide. Elle se demandait vraiment pourquoi elle avait décidée de venir le voir dans sa retraite, une simple missive n’aurait elle pas pu suffire ? Non, une néon n’a pas peur, s’exhorta t elle.
L’effacement du serviteur devant une porte et qui ne l’annonça pas lui confirma que les augures n’étaient pas forcement de son coté.
Aucun bruit ne filtrait à travers la lourde porte, l’ange cornu était il réellement là ? Elle leva le bras et osa frapper. Seul le silence lui répondit. Elle patienta quelque instants, on ne sait jamais, le maître avait parfois des idées si étrange. Elle retenta, toujours rien…
« Il ne doit pas être ici » se dit elle en ouvrant l’épaisse porte en bois avec curiosité.
Elle se fit apostropher fort peu poliment et failli répondre vertement que même s son physique n’était pas à l’image de certains seigneurs de guerre, elle n’en était pas moins une combattante fidèle et active. Au lieu de cela, une phrase servile se forma sur ses lèvres.

- Ma vie n’est la que pour vous servir, vous et Dame Alice, Mon Prince

L’ange cornu la détailla des pieds à la tête, cherchant visiblement à se souvenir d’elle et son regard changeant ne lui disait rien qui vaille.
Elle reprit vaillamment la parole.

- Maître, je suis venue vous voir avec une demande. Les néons s’ennuient de vous, ils réclament votre présence. Beaucoup trop de seigneurs se laissent aller à la luxure et oublient l’entraînement de leurs armées. Votre présence hors de cette bibliothèque est plus que requise.

L’ange cornu la regardait toujours, ne soufflant aucun mot. La visite prenait décidément une étrange tournure. Mais pourquoi n’était elle pas un homme se surprit elle à se demander

Les dires des autres Néons sur les réactions parfois curieuses de l’ange cornu se confirmaient.
Son approche rapide et sa présence près d’elle avaient fait courir un frisson le long de son dos. Ses doigts s’étaient agités dans la formation d’un sort de défense mais les paroles fort curieuses du chef des Néons, de même que son détournement, avaient stoppé son geste. Elle n’osait imaginer ce qui aurait pu se passer mais un mot avait retenu son attention : s’entretuer

Cet homme méritait bien son titre de prophète de la destruction mais que cachait cette soudaine envie de rendre son armée impuissante. Certains le suivraient, c’était certain, son charisme était toujours présent malgré son absence.

Sa mission était tout à moitié réussie puisqu’il allait sortir avant de mettre toute la bibliothèque en cendres mais peut être que cela ne serait que pire…

Cet homme l’intriguait et elle serait bien restée à l’observer encore quelque temps mais elle n’était pas comme la suie dont il venait de s’enduire. Elle était trop fière et savait déjà sans y réfléchir plus avant que son armée ne participerait pas à la mascarade qui ne manquerait pas de suivre.

Snake la regarda partir, avec une lueur étrange dans le regard.

Musique = Vieilles connaissances.

Allez savoir pourquoi, mais avec son évolution, Snake préférait maintenant les sous-sols. Il avait épuisé quelques serviteurs à transférer dans une ancienne oubliette son bureau et sa bibliothèque, et avait insisté pour que tout soit disposé comme auparavant. A voir l’état actuel de la pièce, on pouvait ce demander l’utilité d’une telle exigence…

Des papiers, des feuilles volantes, des parchemins, des livres retournés, posés, entrouvert ou déchirés, partout. Sur le sol, le bureau, les étagères, empilés ou grossièrement entassés, Snake continuait à fouiller frénétiquement dans cette masse écrite, marchant sur les ouvrages déjà lus, déchirant parfois un grimoire ou un manuscrit sous la frustration de ne pas y avoir trouvé ce qu’il y cherchait : un moyen sur, avéré, de vaincre Alice.

Cette perfide sorcière ne pourrait rien contre lui, c’était évident. Il avait laissé derrière lui le vain pouvoir de la chair et s’était consacré uniquement à celui de l’esprit, ses pouvoirs avaient crû au-delà plus qu’il ne l’aurait lui-même crut possible, et il savait maintenant que dès que ses ultimes défenseurs seraient tombés, il pourrait rivaliser avec Alice.

Seulement voilà, rien n’allait comme il l’avait planifié. Pas forcément en mal, mais il y avait des imprévus. Les amigos qui attaquent les néons, puis son propre camp. Et puis il y avait ce petit problème : Alice n’était plus une mortelle. A force d’être déifiée par ses pantins crédules elle avait acquis une parcelle de divinité. Cela lui donnait encore plus de pouvoir, et attirait Snake d’autant plus puisqu’il convoitait ce pouvoir. Mais il y avait un revers : tuer un être divin n’était pas chose aisée. Voici des semaines qu’il cherchait dans ces pages innombrables un indice, un mode d’emploi…

Plongé dans ses lectures, il ne réalisa pas qu’une bougie venait de s’allumer spontanément…

- Des lectures qui semblent passionnantes…

Le Serpent releva les yeux, déjà un sortilège montait dans sa gorge, qui dissèquerait l’opportun sur place, la formule mourut avant de franchir ses lèvres. Devant lui se tenait un revenant. Il ressemblait à un jeune homme, une vingtaine d’années. A peine plus grand que la normale, un peu plus fin. Il n’avait rien de celui d’autrefois, rien du tout, si ce n’est son regard… Oh oui, on n’oubliait pas un tel regard.

- Ig..
- NE PRONONCE PAS MON NOM !

Il y eut un violent roulement de tonnerre et une puissante bourrasque tiède. L’homme aux yeux de braises se détendit, ses manières devinrent amicales.

- Desmond Silverberg… Snake… Ca faisait longtemps.
- Très longtemps, vile cafard sifflant, je te croyais disparu pour mon plus grand plaisir ! Et voilà que tu nous reviens. C’est encore un coup de cette sorcière, hein ?
- Elle ne sait même pas que je suis ici, et puis… cette fois nous jouerons dans le même camp.

Pour qui se prenait-il ? Ah, oui, bien sûr, il convoitait lui aussi le pouvoir d’Alice. Oui, ça devait être ça. Qui ne le convoiterait pas ?

- Je n’ai pas un très bon souvenir de toi, sais-tu, alors n’espère pas me voir partager mon dû…
- Ton dû ? Le pouvoir d’Alice ? Par les plans, non ! Non, je n’en veux pas, je n’ai aucune prétention dessus.
- Alors tu es venu essayer de te venger ? Pas de chance ! Mes pouvoirs n’ont plus rien à voir avec ceux d’antan.
- Les miens se sont bien développés aussi, mais comme je te l’ai dit, je ne suis pas venu t’affronter.
- Ha ! Voici donc le moment tant attendu où je te demande ce qui t’amène…
- Je suis ici comme messager, uniquement. Oui, je sais, il peut être assez insolite de me voir jouer les garçons de courses. Rassure-toi ce n’est pas dans mes habitudes, mais l’enjeu est des plus attractif… pour nous deux, et pour mon… mandateur.
- Qui est donc ce mystérieux mécène ? Qu’a-t-il à offrir ?
- Il s’appelle Asmodée, mais je doute que ce nom t’évoque quelque chose. Tu n’es jamais mort, tu ne connais pas les plans…
- J’ai entendu parler de cette conception bien compliquée d’un l’au-delà mêlé à divers plans de la réalité et au domaine de quelques dieux, mais pas d’Asmodée, en effet. Que me propose-t-il ?
- Eh bien, je ne sais pas encore. Le fait est qu’il *pourrait* t’offrir bien des choses s’il apprécie ce qu’il voit.
- Eh bien je refuse, alors. Je ne vais pas me déplacer, à plus forte raison dans un royaume habité entre autre de morts, situé je ne sais où, rencontrer un seigneur pouilleux, tout ça pour une récompense qui n’est même pas assurée.
- Je pense que tu me dois bien ça…
- JE NE TE DOIS RIEN ! Je n’ai cessé de te combattre, toi et les tiens, il y a une éternité sur Delos. Je n’ai pas oublié le Désespoir Chaotique, et crois-moi j’ai la rancune tenace.
- Tu doutes de mes bonnes intentions ?
- Voyons, vu nos relations passées, je me demande bien pourquoi je le ferais…

*sourire cynique*

- A ton avis, pourquoi la jeune Salabesh a-t-elle choisi ton camp dans ta petite rébellion ?
- La donzelle a choisi le camp du plus fort bien évidemment !
- Tu pêches par orgueil, comme toujours. Si la différence était si grande entre ton camp et celui d’Alice, tu aurais déjà gagné.
- Simple contretemps, ne m’embarrasse pas avec des détails !
- Tu sais que ce n’est pas un détail, et qui plus est, si *je* ne lui avais pas conseillé de te joindre, elle aurait soit quitté votre confrérie, soit choisi le camp du chef légitime, Alice.
- ALICE N’EST PAS LEGITIME !
- Si ça te fait plaisir…
- OUI, CA ME FAIT PLAISIR !
- …
- … Bon… Je dois tout de même reconnaître que l’aide de cette jeune femme m’est précieuse. Je te remercie de me l’avoir adjointe. Non... de lui avoir judicieusement conseillé de rejoindre le camp des futurs vainqueurs.
- *soupir* C’est tout ?
- Et… j’accepte magnanimement d’accorder une audience à cet « Asmodée ».
- Je pense qu’il en sera fort aise, si tu bouges tes fesses jusqu’à sa citadelle.
- Peuh ! Je me demande quel trou perdu peut bien hanter ce fade seigneur.
- *marmonnement* Tu sera surpris…

Musique = Nessus


Ils étaient maintenant sur Nessus. Le voyage avait été relativement court, le laissez-passer divin ayant accéléré les choses. Bien que Snake ait préféré se faire écorcher vit que de le reconnaître, cette petite excursion lui avait paru bien trop rapide. Ils avaient traversé Sigil, croisant de plus en plus de diables à mesure qu’ils rejoignaient le portail vers Baator. Une fois sur Avernus, l’humeur de Snake s’était considérablement améliorée. Il s’était retenu de s’exclamer sur l’épaisseur des remparts de la citadelle de bronze, mais son regard en disait long. De là, ils avaient rapidement rejoint le portail menant à Malsheem.

Pour le coup, à peine arrivés dans la citadelle des neufs enfers, beauté ténébreuse à l’architecture effilée et grandiose, le Serpent avait laissé échappé un sifflement accompagné d’un «Ton Asmodée a très bon goût. Il faudrait que je me fasse construire la même chose, j’aime beaucoup.

Bien entendu, ils savaient tous deux que construire une œuvre aussi titanesque demanderait le travail de tous les artisans de Thessalie réunis durant plusieurs siècles, mais rêver n’avait jamais tué personne, même ici.

Avant de pousser la porte de l’appartement où ils devaient rencontrer le neuvième, l’homme aux yeux de braise s’étonna intérieurement de ne pas ressentir déjà la présence oppressante et insidieuse du prince des Baatezu. Asmodée devait retenir son aura pour ne pas effrayer son nouvel invité… Là-dessus, il ouvrit la porte.


Musique = Asmodee


L’appartement, comme l’avaient été les autres, affichait un luxe à la noirceur des plus raffinées. Meubles ornés et sculptés dans une ébène magnifique, dorures et tissus pourprés, verres, carafes, vitrines en cristal Strygien, de l’eau du Styx durablement figée par enchantement. Cette eau avait le pouvoir peu commun d’effacer complètement la mémoire de ceux qui la buvaient, fussent-ils des dieux. Boire dans des récipients sculptés dans ce liquide vénéneux constituait un raffinement ultime.

Asmodée, quand à lui, étais assis confortablement dans un profond fauteuil d’ébène orné de rubis et aux coussins rouge sang. Il tenait dans sa main droite un objet rond et lisse, diaphane, légèrement plus gros qu’un œuf. Il le faisait jouer dans sa paume, l’exposait à la lumière d’un chandelier et contemplait un spectacle qu’assurément il était seul à voir. Il ne prit même pas la peine de saluer ses invités.

Le silence dura bien une minute. L’homme aux yeux de braises n’osait déranger le neuvième dans son loisir, quand à Snake, il refusait de parler sans avoir été reçu comme il le méritait ! Mais sa patience, comme d’habitude, fut vite érodée.

- Vous êtes Asmodée, c’est bien cela ?

Le neuvième ne mobilisa pas un cil à ces paroles, se contentant de répondre d’une voix distraite.

- On le dit, en effet…
- Bien, j’ai consenti à vous accorder un peu de mon temps.
- Vous m’en voyez ravi…

Le ton était celui que l’on adresse à un serviteur qui vient vous annoncer qu’il a correctement astiqué un chandelier. Le neuvième continuait de faire tourner l’étrange pierre dans sa main, il cessa un instant pour la mettre contre son oreille, un instant les paupières et fredonnant doucement, comme pour savourer une mélodie particulièrement calme et jolie.

- Alors donc, vous souhaitiez me rencontrer ?
- C’est ce que j’ai dit à notre ami commun, n’est-ce pas ?

Toujours ce ton odieusement condescendant, on aurait dit la réponse d’un père à un enfant de 4 ans le dérangeant durant son travail. Il avait cessé de fredonner, tenait maintenant l’objet devant ses yeux, le contemplait avec avidité.

- Pourquoi souhaitez-vous me rencontrer ?
- Pour voir…

Ca commençait à faire beaucoup…

- Pour voir quoi… PAR LUCIFER ! Y A QUOI DANS CETTE PUTAIN DE CAILLASSE ?

L’homme aux yeux de braises eut l’air tout aussi mortifié que s’il avait lui-même prononcé cette phrase. Le neuvième leva enfin les yeux vers Snake. Après quelques secondes de silence, il lui tendit la pierre dans sa paume ouverte, d’un geste ample, et répondit tout naturellement :

- Regardez-donc par vous-même. Si vous y tenez.

Snake s’approcha d’un pas vif et se pencha pour scruter l’intérieur de l’objet. Il ne vit d’abord rien d’autre qu’une sorte de résine blanche-beige assez opaque. Puis petit à petit la pierre gagna en transparence, il put distinguer une forme. Oui, on aurait dit… on aurait dit une forme humaine, assise, recroquevillée, la tête entre les genoux, en train de pleurer. Snake crut même entendre ses sanglots, non, il les entendait pour de vrai. Des pleurs profonds, désespérés, un chagrin inconsolable, les gémissements de quelqu’un qui souffre atrocement. Mais pourtant, la petite forme était seule dans la pierre.

- Un spectacle fascinant, n’est-ce pas ?

Snake ne pouvait détacher son regard de cette jeune fille qui pleurait. Un tel passe-temps était au-delà du compréhensible, lui-même n’était pas assez pervers pour se délecter d’un chagrin aussi poignant. Il avait déjà apprécié torturer quelqu’un, savouré les cris des suppliciés, la plainte des moribonds, mais il n’avait encore jamais assisté à une scène aussi poignante, il sentait bien qu’il aurait lui-même pleuré s’il avait encore su comment faire. Et puis quelque chose dans cette voix, par moment il lui semblait la reconnaître.

La jeune femme leva un instant la tête. Oui, il la connaissait. Sierra ! Sa sœur ! Celle qu’il avait tant aimée mais qu’il avait tuée de jalousie ! Celle dont la mort continuait de le hanter ! Celle dont il voyait le visage chaque nuit où la culpabilité venait le ronger !

Il ne savait plus quoi penser, quoi faire. Ses jambes ne savaient plus non plus, elles se dérobèrent sous lui, tout simplement, il tomba à genoux.

- Vous vous connaissez, je crois.
- Co… Comment ?
- Il existe peu d’endroits dans le multivers qui soient en dehors de ma portée. Et puis, je dois dire que j’apprécie particulièrement le son de ces pleurs. C’est un des sanglots les plus délectable que je n’ai jamais entendu, savez-vous ? Une mélodie des plus douces, on y ressent toute la volupté d’un chagrin inconsolable. Oh, je l’aurais certainement payée bien plus cher si on avait su quel goût avaient ses larmes, mais elle ne pleurait pas lorsqu’on l’a capturée. Même enfermée et torturée, elle crachait, elle tentait de griffer la pierre, elle ne cessait de répéter « mon frère viendra vous tuer », mais elle ne pleurait pas.
- Si.. Sierra…
- La briser fut toutefois relativement aisé. Tout d’abord il m’a fallu lui faire accepter que c’était bien vous qui l’aviez tuée, elle se refusait à le croire même pour l’avoir vu, étonnant, non ? Ensuite, le coup de grâce a été porté quand je lui ai montré ce que vous étiez devenu, quelle était votre vie, votre quotidien, quand elle a réalisé que vous l’aviez définitivement oubliée et que vous ne viendriez jamais la sauver.
- MONSTRE !
- Vous me flattez…

Un ouragan se déchaînait dans l’esprit de Snake. Culpabilité, remord, désespoir, révolte, colère, haine. Tout se combinait pour former un mélange imprévisible. Il se releva, et pointant le neuvième du doigt :

- DONNES-MOI TOUT DE SUITE SIERRA OU PAR BELZEBUTH EN PERSONNE JE TE SAIGNE SUR PLACE !!
- Belzébuth? Mon vassal?

C’est ce moment que choisit Asmodée pour laisser éclater toute sa puissance. Pas de sortilège, pas de boule de feu, de malédiction, par d’invocation, rien, juste une présence qui se réveille et qui pèse sur les esprits comme un tigre sur un lapin. Snake avait envie d’aller se cacher sous le fauteuil. Ce n’était pas lui ! Il n’avait rien dit ! C’était quelqu’un d’autre mais pas lui ! Pitié !!!!!!

Un instant il semblait que ça allait être la fin pour Snake, son esprit menaçait de se briser sous le poids de celui du neuvième, une pression qui n’était même pas volontaire. Asmodée les oppressait sans même y prêter attention. Et puis soudain, il y eut un son, un rire. Le neuvième riait. C’était un son grinçant, froid, sourd, le raclement d’une lame sur un os, le caquètement d’un oiseau de mauvaise augure, quelque chose de désagréable, un ricanement lugubre qui sonnait presque faux et qui donnait froid dans le dos. Les deux visiteurs en furent perplexes. Ce n’est qu’après un moment qu’Asmodée put à nouveau parler.

- Ah ! Mon cher, bravo ! Me menacer, ici ! Vous qui n’êtes même pas un dieu majeur, quel toupet ! Quelle audace ! Je n’avais pas autant ri depuis… depuis que j’existe en fait, je crois bien. Non vraiment, c’était… impayable ! Oh, tenez, ça la vaut largement. Me menacer. Huhu…

Négligemment, le neuvième lança la pierre à Snake, qui se jeta à terre pour la rattraper avant qu’elle ne touche le sol.

- Très cher Snake, je crois que nous allons très bien nous entendre.



** Écrit par Ignus avec la légère collaboration de Snake

Asmodée se tourna ensuite vers l’homme aux yeux de braises.

- Tu avais raison à son sujet, un cœur noir mais intrépide. Il me plaît beaucoup, il fera certainement l’affaire pour notre projet. Entre lui, *ELLE* et toi, nous avons déjà un embryon d’équipe satisfaisant. J’ai encore quelques candidats en liste, mais nous avons là une base solide. Et puis, ce cher Desmond est impulsif, chaotique, mon total opposé, pour un peu il ferait un parfait Tana’ari. C’est parfait, j’aurai du plaisir à traiter avec lui, mais aucun regret de ne pas l’avoir comme serviteur.

Puis, d’un geste de la main.

- Tu peux y aller, maintenant. Laisse-nous faire connaissance.

Snake vit l’homme acquiescer et sortir sans un mot. Auparavant il n’aurait jamais cru possible que cet individu puisse obéir sans broncher à un ordre d’où qu’il vienne, mais maintenant qu’il savait de quoi cet « Asmodée » était capable, cette résignation de bon aloi lui semblait la moindre des choses.

Snake se releva, tenant sa sœur dans le creux de sa main, la regardant pleurer dans sa prison minérale. Puis, reprenant de l’aplomb, il releva la tête et dit :

- Vous êtes *quoi* ?
- Asmodée, Prince de Nessus, neuvième seigneur et Maître des neufs enfers de Baator.
- Qu’est-ce… Qu’est-ce que vous voulez de moi ?
- Rassurez-vous, je ne veux ni votre âme – bien qu’elle soit sans doute succulente – ni votre sang, ni votre obéissance ou quoi que ce soit d’autre. Non, je ne veux qu’une chose : que vous retourniez sur Thessalie et que vous deveniez encore plus puissant, et une fois ceci accomplit, je veux tout simplement que vous vous assuriez qu’aucun dieu ou être planaire ne tente de prendre possession de Thessalie.
- C’est tout ?
- C’est tout. Vous ne serez même pas à mes ordres, mais de temps en temps je vous ferais parvenir tel ou tel message vous avertissant de tel ou tel complot se tramant contre votre plan.
- Bon, eh bien si ce n’est que cela, je ne peux qu’accepter. Je n’ai aucune envie de voir des êtres tels que vous débarquer sur mon monde.
- C’est très aimable à vous…
- Euh… je voulais dire…
- J’ai très bien compris. Ne vous inquiétez pas, j’ai droit à ce genre de lapsus dès que je parle à quelqu’un d’autre qu’un Baatezu.

Snake pouvait sentir le soulagement l’envahir telle une vague bénéfique. Aussi curieux que cela paraisse, il ne pensait pas pour l’instant aux avantages de cette situation, ni même à Sierra, il ne voyait encore qu’une seule chose : il allait peut être sortir vivant de cette pièce.

Enfin, cela ne dura pas longtemps, très vite…

- Dites-moi, vous disiez que je devais devenir plus puissant… figurez-vous que je connais bien un moyen…
- Oui, bien sûr, vous approprier les pouvoirs d’Alice est une priorité, nous sommes d’accord. Je suppose que vous n’avez toujours pas d’arme capable de la vaincre ?
- Euh… en fait ni arme ni sortilège ni rien. Je veux dire, je ne la crains pas, mais je ne sais toujours pas comment la tuer, effectivement.
- Je vois, eh bien nous allons remédier à cela. Soyez mon invité cette nuit, demain je crois que votre problème sera réglé.


** Écrit par Ignus avec la légère collaboration de Snake

A peine Snake fut-il sortit, qu’un nouvel arrivant entra dans l’appartement. Il ne savait pas encore pourquoi il venait, et encore moins ce qu’il faisait devant le prince Baatezu, Mais il s’en fichait royalement. Primus, le premier des Modrones, lui avait ordonné d’aller voir Asmodée et de faire ce qui lui serait demandé.

En bon Modrone qui se respecte (en supposant qu’un Modrone soit capable d’éprouver du respect ou tout autre sentiment) X-Tru obéissait sans se poser de question. Une fois devant le 9°, il respecta scrupuleusement sa programmation.

- Le sujet est prié de décliner son identité.
- *soupir* Ces Modrones…
- Sémodronne n’est pas l’identité prévue.
- Très bien…Je suis Asmodée.
- Le sujet a fourni l’identité prévue. L’unité X-Tru est à son service pour la durée de la mission.
- Bon, X-Tru, je serai bref. Tu as une nuit pour forger une arme capable d’abattre une divinité mineure. Tu aura accès à la forge de Malsheem et les artisans seront à tes ordres.
- L’unité évalue à 13% les chances de succès de sa tâche.
- On m’avait pourtant dit que tu étais « l’unité » qui avait forgé le canon de Méchanus…
- Affirmatif.
- Alors pourquoi cette tâche te semble-t-elle si difficile ?
- Raisonnement : facteurs opposants :
Efficacité des moyens de production inconnue.
Efficacité des producteurs annexes inconnue.
Pénurie de facteur d’enchantement.
Délai insuffisant.
- Je vois. Mes forges sont aussi performantes que celle de Méchanus, voire plus. Mes artisans forgent des armes en tout genre nuit et jour depuis une éternité, j’enchanterai moi-même l’arme, et pour le délai, mes ordres de changent pas. Si tu ne peux pas le tenir, tu auras *échoué*.

A la grande satisfaction du 9°, le Modrone eut enfin un tressaillement. Quel dommage qu’ils n’aient pas d’âme qu’il puisse sonder, la terreur d’un Modrone devait avoir un goût des plus originaux.

- L’unité tiendra le délai.
- Parfait. Un garde te conduira à la forge.

Le Modrone suivit le garde en question sans aucune remarque, descendant dans les entrailles de Malsheem.


Musique = Une épée pour tuer Alice.


Dans les forges, il y avait eu un moment de stupeur lorsque le « maître forgeron intérimaire » était entré. Quoi ? Un Modrone ? Le nouveau maître forgeron avait de suite donné des ordres, et ils avaient au moins une qualité : ils étaient précis.

Toute la nuit coula du métal en fusion, les marteaux s’abattaient sur le fer, l’acier, et d’autres métaux beaucoup plus rares. Les soufflets attisaient un feu déjà insoutenable. Petit à petit l’œuvre prenait forme. Des formes aiguisées, affûtées, mais aussi courbes. Des angles, des pointes, des tranchants. Le moindre fil de lame était aiguisé, la moindre surface était polie. Les éléments furent d’abord forgés séparément, et tous les travailleurs étaient bien en peine d’imaginer à partir de ces pièces disparates quelle serait la forme finale de cette arme. Une chose était certaines : vue ses formes elle aurait une apparence à rendre la mort jalouse, et vu le nombre de pointes, elle allait faire très, mais alors très mal.

Peu avant le lever du jour, le Modrone, un marteau dans chacun de ses six bras arachnéens, assemblait le tout. Raffermissant les pièces, les soudant par la chaleur et les coups, le métal torturé se pliait, se broyait, s’écrasait, se tordait, les forgerons virent les pièces qu’ils avaient travaillées toute la nuit changer d’aspect, s’assembler.

Finalement, le résultat fut très étrange, mais personne dans la salle n’avait envie de prendre un coup de cette *chose*.
C’est une épée.
Mais non, c’est une faux.
Voyons, tu vois bien que c’est une masse !
Et les piques, là, hein ? C’est un gourdin je de dis.
Pour moi ça ressemble plutôt à une hache.
Il était impossible de dire précisément ce qu’était cette arme étrange, qui semblait si dangereuse qu’il semblait même risqué de la saisir par la poignée, tant elle paraissait vouloir mordre dans la chair du premier venu. Le Modrone la prit, et l’amena à Asmodée.

Tous dans la forge savaient qu’une arme pareille, aux formes aussi torturées, ne pourrait que plaire à leur maître.


----------------------------


musique = Asmodée

Lorsque Snake revint dans l’appartement, le lendemain, Asmodée lui tournait le dos, il était en train de caresser presque amoureusement quelque chose posé sur une table. Sa main parcourait un objet qu’il ne pouvait distinguer avec une grâce aérienne et des mouvements amples et lents.

- C’est l’arme ?
- Oui, viens l’admirer.

Posée sur une grossière toile de jute qui recouvrait la table, l’arme luisait d’un éclat maléfique.


- Elle te plaît ?
- Elle est magnifique. Je ne sais quoi dire d’autre.
- Je l’ai enchantée moi-même, prend-là en main.

Snake prit avec déférence la poignée de l’objet. Il sentait que l’arme était lourde, et pourtant elle réagissait à la moindre inflexion de son poignet, bougeant presque d’elle-même. Il fit quelques moulinets. Il avait vraiment l’impression qu’il ne faisait que donner la direction, l’épée – car il avait décidé que c’en était une – suivait, il la manipulait sans plus d’effort qu’une petite rapière.

- Et elle sait faire bien d’autres choses.
- Quoi donc ?
- Une blessure qu’elle inflige ne guérira jamais, saignant continuellement, quel que soit le sort utilisé pour la soigner. A moins que tu ne veuilles qu’elle guérisse. Si la créature que tu combats est magique, l’épée s’attaquera tout autant à son corps qu’à son âme. Et bien sur…
- Oui ?
- Toute personne que tu enverras rejoindre le monde des morts avec cette arme verra son âme directement envoyée vers ma collection personnelle. C’est une petite faveur que je me suis fait. Tu ne m’en veux pas ?
- Vous savez, l’idée que mes ennemis aient à vous connaître après leur mort n’est pas vraiment pour me déplaire. Par contre, Alice..
- Les dieux ne meurent pas, même les dieux mineurs. Ils s’éteignent. Son âme obéit à d’autres lois.
- Dans ce cas c’est parfait.


----------------------------------


De retour à son château, Snake portait un étrange colis enveloppé de chiffons. Aucun serviteur ne pouvait voir ce dont il s’agissait, mais tous étaient mal à l’aise face à cet objet.