[Sankh&Sunkh]Livre II : Sankh, le Yang.

« Sankh ! Sankh !

-M…Mère ?!

-Sankh… (Anthera posa sur son fils un regard empli de regrets)

-Mère… Mère je…

-Ne t’en fais pas Sankh. Ainsi en a décidé Pélor et nul ne peut contester ses choix. Je vais bien, sois sans crainte, mon âme repose en paix au sommet des Champs Elysées aux côtés des miens… Je veille sur toi, je reste à tes côtés mon fils… Sois fort, relève la tête ! C’est ainsi que je veux te voir : fier et droit ! Aime ton prochain et fais le bien autour de toi, afin que personne n’aie à subir ce que tu vis… Je te donnerai cette force, Sankh, sois en sûr, ce combat est le notre. Incarne le bien en personne, fais pousser les fleurs sous tes pas, change les pleurs en éclats de rire… Ainsi doit être ton futur, et pour ton frère… Ne le hais pas, je t’en conjure… J’en…Il ne mérite pas cette haine, tout est de ma faute… Il m'a déjà fermé les portes de son esprit...

Les yeux de la jeune mère s’embrumèrent, laissant place à un regard plein de nostalgie.

-Sois fort Sankh…

-M…Mère, attendez ! Nous avons encore tant de chose à…

Mais elle avait déjà disparue… le laissant seul avec lui-même.

Il savait au fond de lui qu’il n’avait jamais détesté son double, il l’ignorait comme tout le monde le faisait, pour ainsi paraître normal mais la souffrance de son frère lui déchirait tout autant le cœur. Qu’il avait été stupide, il n’avait jamais su donner à son propre frère l’amour qu’il recherchait, l’amour qui lui aurait permis de ne pas s’égarer du droit chemin. Au nom d’Anthera il ramènerait son frère Sunkh dans le bon, dans le « Yang » afin que sa furie dévastatrice s’estompe et que le bonheur se fraye un chemin jusque dans les âmes les plus néfastes. Rien n’était décidé à la naissance, il le savait, tout homme pouvait changer son destin, Sunkh en serait la preuve.

~~~~

En entrouvrant les yeux, ce fut le visage morne de Solobem qui s’offrit à lui en premier. Il ne parlait pas, comme plongé dans un profond mutisme, mais étreignit le jeune ange de toute son âme. Cette étreinte ne fut que pleurs et tristesse, haine et douleur qui déchiraient les deux Aasimars.

Solobem se décida enfin à parler :

« Sankh, mon cher neveu, mon petit Sankh, Pelor soit loué, tu es en vie.

-Oui mon oncle, soyez sans crainte.

-Je pensais ne plus jamais te voir autrement que les yeux clos, quel soulagement, comment te sens tu ? As-tu faim ? Veux-tu…

-N’ayez peur, tout va mieux.»

Il se leva de son futon, enfila son pagne et dit à Solobem :

« Je pars m’entraîner mon oncle. »

Un faible sourire se dessina sur le visage de l’archange, lui aussi devait relever la tête pour ne pas sombrer dans les ténèbres.

Sankh le savait, il devait devenir fort, puissant, une puissance mise au service du bien, pour remettre les êtres tourmentés sur le bon rail.
Il obtiendrait cette puissance au péril de sa vie, marchant sur les pas de sa défunte mère, et ramènerait Sunkh aux Champs Elysées.

C’est dans cette optique qu’il consacra les trois quarts de ses journées à l’entraînement et aux prières, acquérant ainsi la sagesse des anciens et la force des dieux.

A l’aube de ses dix-sept printemps, le jeune ange se vit remettre le titre de meilleur aspirant de l’académie, devenant ainsi leader d’une petite escouade de guerriers. Personne n’avait jamais vu cela : on obtenait habituellement ce droit lors de sa dernière année académique, à l’âge de vingt ans, Sankh était le premier ange à devenir Yiota avant sa majorité.

Les jours passaient, les victoires s’enchaînant et sa réputation gagnant de plus en plus d’oreilles. Il avait à présent dix huit années derrière lui et s’imposait définitivement comme l’espoir de tout un peuple.
Sa sérénité, sa bonté et sa bonne humeur lui avait valu le respect et l’amour de tous ; la simple vue de cet ange égayait la vie des passants, les rassurait.

Lors de sa promenade journalière, Sankh fut interpellé par l’écho d’un chant ancien. Il provenait d’un vieil homme, vêtu d’une vieille laine de mouton trouée, crasseuse dont le cou était criblé de furoncles. Sankh se pencha et jeta une pièce au vieillard. Ce dernier daigna enfin à lever les yeux... il regarda ensuite la pièce, la faisant tournoyer entre ses doigts squelettiques.

« Ton offrande est bien représentatif de ta nature généreuse, Sankh. »

L’ange semblait étonné que cet ermite connaisse ainsi son nom. Il ouvrit la bouche pour parler mais le vieil homme lui coupa la parole.

« Dis moi, Sankh, que vois tu en te regardant dans le reflet de l’eau ? »

Sankh ne savait quoi répondre à cette question… Il se regarda, questionna sa mémoire et répondit :

« Tout comme vous, je vois un Ange au service du bien. »

Le vieillard gloussa.

« Tu ne vois pas la même chose que moi. Tu vois ce qui est, je vois ce qui sera. »

Les yeux du jeune ange s’ouvrirent en grand, il fit signe de continuer.

« Lorsque la patte des hautes puissances découvrira le Plan Secret, celui-ci sombrera à jamais dans les flammes de l’Enfer.

-Un Plan inconnu des Dieux, c’est totalement impossible, vieillard.

-J’en conviens, mais ta destinée est toute tracée, Sankh, tu es un élu… Le Plan ne devra pas tomber.

-Un élu ? »

La voix de Sankh se perdit dans le néant. Il ouvrit les yeux, humectant son visage noyé dans les sueurs froides.

Une nouvelle vision ?

Nul ne le savait, mais ce genre de rêve n’était pas le premier que Sankh avait fait, et chaque prédiction s’était avérée être correcte. Il semblait qu’un destin bien moins paisible qu’il ne l’avait espéré attende le Saint Ange...

Nombreuses furent les fois où de hauts postes étaient proposés au Saint Ange, mais ce dernier refusait systématiquement les offres d’un sourire bienveillant. Les grades, la politique, le pouvoir et ses branches inférieures ne l’intéressaient pas.
Il préférait de loin consacrer son temps à son érudition et aux prières. Beaucoup disaient qu’à dix neuf ans, il possédait déjà la sagesse des anciens conjuguée à la puissance de la jeunesse.

Depuis quelques temps, un mal puissant le rongeait de l’intérieur. Il ne se plaignait point mais sa santé se détériorait à vue d’œil, l’affaiblissait profondément.
On fit donc appeler les plus grands médecins, venant de tous les pays et tous, sans exception, arrivèrent au même constat : tout allait bien.
Plus de 3 mois durant, Sankh fut l’objet de nombreuses analyses, chirurgie et autres observations, mais nul ne trouva la cause de ces troubles.
Puis une nuit, il repensa au combat qui l’avait confronté à son frère, chaque coup, chaque parole était gravé dans sa mémoire. Puis ce fut le flash, la réponse à toutes ses questions. Il se rappela du crépitement qui l’avait foudroyé au moment ou sa propre attaque avait frappé Sunkh, il se souvint aussi du petit rictus de douleur qui s’était dessiné sur le visage de son double lorsque sa magie l'avait balayé.
Tout était clair, il avait déjà étudié ce cas lors de ces profondes recherches : leur âme était liée. Un lien fort, fraternel, incassable et immortel.
Lorsqu’un souffrait, l’autre ressentait également cette peine, si l’un mourrait, l’autre le suivait dans l’au delà.

Il eut un pincement au cœur, cela faisait donc plusieurs mois que son frère en bavait. Quel traitement lui faisaient-ils donc subir ?

« Surtout, ne meurs pas… Sunkh. »

Il passa donc maintes semaines à s’instruire des techniques ancestrales. Il devait apprendre à fermer son esprit, afin d’atténuer de façon optimale les douleurs corporelles qui le consumaient.
Le Saint Ange dévora les reliques secrètes et en apprit plus encore que ce qu’il cherchait, il était effrayé et en même temps fasciné par la puissance de certaines techniques, de grands noms étaient passés avant lui.

Un an après, il ne prêtait quasiment plus attention aux faibles brûlures que lui infligeait son frère, elles étaient elles-mêmes bien moins fréquentes.

Un matin, Talaban, le plus fidèle des disciples du Saint Ange vint interrompre la prière de son maître.
Ce dernier leva les yeux et interrogea le jeune ange du regard.

« Sankh, Pelor veut te parler… »

Il était encore sous le choc, Pelor, le Dieu suprême voulait lui parler, à lui. Que pouvait-il bien avoir à lui dire, il n’était qu’un simple Yiota, de renommée grandissante certes, mais sans réel pouvoir de décision.
Il alla prendre un bain avant de se parfumer des plus belles senteurs de la région. Il enfila ensuite sa tenue de cérémonie : veste bleue brodée de fils dorés, gants de soie, pantalon en tissu fin et bottes en écailles de dragon.
Il quitta son habitat et s’avança dans les ruelles sombres qui le mèneraient au temple de Pelor.

Talaban le suivait de près, toujours dans son ombre, prêt à intervenir.

Il monta les six cent soixante treize marches qui précédaient les portes du temple et fut accueilli comme il se doit par la garde.
Une jeune fille se présenta à lui dès son arrivée. Elle était magnifique, d’un beauté angélique et ses longs cheveux blonds provoquaient un superbe contraste avec ses yeux verts émeraude.

« Bonjour Sankh, Pelor vous souhaite la bienvenue, il vous attend… »

Une immense porte en or se dessina sur le mur, une petite fumée blanche en sortit lors de son ouverture.
Sankh jeta un regard vers la jeune femme mais le temple était à présent désert. Il s’avança vers la fumée et s’engouffra dans la brèche.
Lorsque le nuage se dissipa, le Saint Ange aperçut un homme d’âge mur arrosant les nombreuses fleurs grimpantes qui jonchaient les murs de la pièce.

« Excusez moi, je… je cherche Pelor. Il a exigé ma présence en ces lieux et...

-Il t’écoute. »

Sankh ne comprenait pas tout à fait les paroles du jardinier, il scruta les alentours à la recherche de la divinité.
Ses yeux se reposèrent sur l’homme qui l’observait avec un large sourire.

« Bienvenue Sankh, je crois que les présentations n’ont pas encore été faites. »

L’ange le regardait, incrédule.

« Je suis Pelor. »

Il n’en croyait pas un mot, cet homme était si… banal. Comment pouvait-il être le Dieu Pelor, symbole de la puissance Aasimare.
Il tenta de sonder son esprit afin d’en apprendre plus sur ce dernier, mais celui-ci restait imprenable, vide. Cet homme était puissant à n’en pas douter, un telle technique n’était pas à la portée du premier venu, mais c’est lorsque les yeux de Sankh croisèrent ceux du jardinier que ses doutes s’envolèrent. Il s’effondra, tant la pression était insupportable, son esprit ne pouvait résister à une telle puissance… une puissance divine.

A son réveil, Pelor se tenait à ses côtés, rafraîchissant le Saint Ange de son souffle divin. Ce dernier ce redressa immédiatement puis s’agenouilla aux pieds du Dieu.

« Désolé Seigneur, je…

-N’aie crainte mon ami, relève toi. »

Sankh s’exécuta mais garda une certaine difficulté à regarder son homologue dans les yeux.

« Sankh… Nous devons parler.

-Je ferais selon vos désirs, maître.

-Je vais être direct, les Champs Elysée ont besoin de ton aide. L’équilibre du monde est instable, changeant. Les plans sont régis par les Puissances, et chacun d’entre eux se doit de rester neutre, stable, afin de pouvoir perdurer dans le futur. »

Sankh regardait Pelor et dévorait ses paroles.

-Un Plan récent prend de plus en plus d’importance, il se nomme Thessalie. Ce plan se peuple à une vitesse folle et nous savons que de nombreuses conspirations tenteront sous peu d’en prendre le contrôle. Les grandes Puissances ont tout comme moi, commencé à quérir les plus grands guerriers de leur royaume respectif dans un seul et même but : maintenir l’équilibre de Thessalie.
Tu es un élu, Sankh la prophétie t’as choisi pour accomplir cette mission. Si tu es prêt à m’aider, je te donnerai les clauses de ta future quête. »

Sankh était perdu dans ses pensées… Il ne savait quoi faire. Il était pris sur le vif et une telle décision ne se prenait pas sur un coup de tête.

« Ton frère, Sunkh, sera aussi de la partie… »

Il ouvrit instantanément les yeux. Ceux-ci brûlaient d’une flamme nouvelle, la détermination parcourait à présent chaque pore de sa peau.
Son frère serait lui aussi envoyé sur Thessalie, une occasion de le ramener à ses côtés s’offrait enfin à lui.
Sans une once d’hésitation, il répondit :

« J’accepte. »

Pelor ne put s’empêcher de sourire.

« Parfait. Avant de t’en dire d’avantage, laisse moi t’offrir ce présent en gage de ma gratitude. »

Le Dieu leva la main et prononça des incantations sacrées. Une poignée de sabre apparut dans sa paume.
Il la tendit à Sankh.

« Voilà qui devrait t’aider dans ton périple, Saint Ange. »

Il avait prononcé les derniers mots avec un ton d’amusement. Les joues de Sankh s’empourprèrent. Le Saint Ange retournait le sabre dans sa main et étudiait les moindres recoins de la poignée.

« Sauf votre respect, Seigneur, que pourrais-je faire d’une simple poignée ? »

Pelor éclata de rire.

« Une simple poignée ? Cette arme a été créée par l’homme qui se dresse en face de toi, elle regorge d’une puissance jamais atteinte. Je l’ai nommée Celesta, je compte sur toi pour en prendre soin. »

Remarquant le regard interrogateur de Sankh, Pelor continua :

« Ne cherche pas la lame, il n’y en a pas. Tout se contrôle par l’esprit. Ainsi tu n’es pas limité par l’espace, tu peux lui donner la forme et la taille que tu désires et sa puissance dépendra de la force de ton âme. Utilise la à bon escient et elle ne te trahira pas. »

Sankh se prosterna.

« Passons à présent aux choses sérieuses. Comme je te l’ai dit précédemment, un petit groupe élitiste sera formé afin de maintenir l’équilibre du Plan, jamais Sankh, jamais tu ne devras dévier de ton objectif.
Le temps nous est malheureusement compté mais écoute bien ce qui arrive car cela constitue l’information la plus importante. »

Pelor inspira profondément.

« Trouve l’homme de feu, Sankh, trouve l’homme de feu. »

» [Sankh&Sunkh]Livre III : Sunkh, le Yin.
» [Sankh&Sunkh]Livre I : Anthera, le commencement d'une vi
» [Sankh&Sunkh]Livre IV : Les Veilleurs de Thessalie...
» [Azura/Sankh] Déclaration
» [Safrane&Exterius]Livre I - La consécration