[Sankh&Sunkh]Livre IV : Les Veilleurs de Thessalie...

Sankh ouvrit péniblement les yeux puis les referma afin de profiter de ces derniers instants de repos…

Lorsqu’il fut enfin habitué à la luminosité de la pièce, il se rendit vite compte qu’il n’avait pas dormi dans son lit douillet. Puis les souvenir jaillirent soudainement en sa mémoire : sa rencontre avec Pelor, Celesta ainsi que sa mission, trouver l’Homme de Feu.

Il n’avait pas la moindre idée de l’endroit où il pouvait être, il devait avoir perdu conscience après son entretient avec le Dieu. Il se leva lentement, prenant garde à ne pas toucher le plafond trop petit qui surplombait sa tête, s’habilla et sortit. Il longea un étroit couloir avant de pousser une porte à double battant.
Une trentaine de paire d’yeux se braquèrent sur lui quelques instants, avant de se replonger sur leur assiette.

Sankh était dans une auberge, mais quelle auberge ! Les longs murs recouverts de tapis orientaux accompagnés de tables et chaises en bois sombre rendaient le spectacle impressionnant. Mais le Saint Ange n’avait pas souvenir d’une si grande auberge en les Champs Elysée, aussi cela lui parut-il curieux. Il se dit finalement que ce lieu devait être au service de Pelor : une auberge divine !

Un jeune homme portant un tablier à la taille s’empressa de prendre des nouvelles de son hôte :

-Comment allez vous mon cher ? Avez-vous passé une agréable nuit ? Je peux vous proposer dès lors le plateau matin… commença-t-il avec un fort accent.

Sankh ne l’écoutait pas. Où était-il donc ? Les gens autours de lui ne semblaient pas adopter ses coutumes. Leurs habits étaient si… ridicules, rien à voir avec son pays. Il pencha l’oreille afin de s’assurer d’un détail et, comme s’il l’avait prédit, ne put comprendre un traître mot des dires qui circulaient dans la salle.
Il jetta un vague regard au serveur qui lui sourit de toutes ses dents. Sankh ne lui rendit pas, trop préoccupé par sa situation. Ses yeux se posèrent soudain sur le tablier. On pouvait y lire : A la Thessalienne.

Thessalienne…
Thess…
Thessalie !!

Il ne savait par quel moyen il avait pu rejoindre ces lieux mais Pelor l’avait bel et bien envoyé sur le Plan.

Il sortit sa grosse bourse, déposa quelques pièces d’or dans la main du serveur et sortit comme un éclaire : il n’avait dès lors plus qu’une idée en tête, trouver l’Homme de Feu et par conséquent son frère Sunkh.

Le Saint Ange passa le clair de son temps à ses investigations mais personne ne semblait avoir déjà entendu parler d’un Homme de Feu… Apres plusieurs décans il perdit patience et s’effondra dans l’herbe d’une petite praire, non loin de l'agora.
Il avait passé au peigne fin chaque parcelle de cette agora, questionné chaque « chose » pouvant être appelée « humain », sans succès.

Comment cela pouvait-il être possible, Pelor s’était-il moqué de lui ? Il avait beau cherché, il ne comprenait pas comment trouver un homme invisible, dont il ne connaissait pas même le nom.

Il laissa échapper un juron et se remit sur pieds afin de poursuivre ses recherches.

A peine relevé que son regard croisa celui d’une femme somptueuse. Sankh était totalement foudroyé, sublimé par la beauté angélique qui se dressait devant lui. Sa peau blanche comme la neige, ses cheveux soyeux et d’un blond platine ne pouvaient le laisser de marbre.
Mais ce qui le frappa le plus furent les yeux de la demoiselle : d’un bleu azure, envoûtant… Il était comme drogué, ne pouvait quitter son regard des yeux charmeurs qui le scrutaient.
Il tenta de sonder son esprit afin d’en apprendre un peu plus sur cette étrange jeune femme. Sankh fut pétrifié lorsqu’il s’aperçut qu’elle savait protéger son esprit des attaques extérieures, il ne pouvait lire que son nom, le reste lui était totalement inaccessible.

Elle s’appelait donc Azura… Quel doux nom. Il résonnait dans ses oreilles, se libérant en lui jusque dans le moindre pore de sa peau, un plaisir intense le brûlait à présent, consumant son cœur à petit feu. Il n’avait jamais connu cela auparavant, si ce n’était avec sa douce mère Anthera.

Puis une douce voix s’amplifia dans sa tête :

« Rends toi au quartier Est si tu veux retrouver la flamme Sankh, je t’y attendrai… »

Avant même d’avoir pu réaliser ce qui lui arrivait qu' Azura avait disparue, comme dissipée dans l’air ambiant. Une feuille virevoltant s’écrasa sur la joue du Saint Ange, le ramenant définitivement à la réalité.

Le quartier Est ? Il avait enfin une piste…

Les ruelles du quartier Est semblaient désertes et Sankh progressait à pas de loups, prenant garde à garder un minimum de discretion, « juste au cas où »
Il se demandait si son cœur battant la chamade pour Azura ne faisait pas plus de bruit que ses propres pas, aussi tenta-il de penser à autre chose pour se calmer.
Le Saint Ange balaya le quartier du regard, comme pour s’assurer qu’il était bel et bien seul. Son instinct lui disait pourtant le contraire, ce même instinct auquel il devait déjà la vie.

Puis son regard fut attiré par un arbre plusieurs fois centenaire, un immense chêne de plus de dix mètres de diamètre, dont les ramifications semblaient caresser les nuages.
L’arbre surplombait le quartier tel un roi régnant sur son royaume. L’ange s’approcha, intrigué par une telle magnificence, secrète pour lui jusqu’à lors.

Il remarqua immédiatement la noirceur qui couvrait certaines parties de l’écorce et les mots de Pelor resurgirent en sa mémoire aussitôt : « Trouve l’Homme de Feu. »
Il fit plusieurs fois le tour, passant sa main le long du tronc, cherchant un quelconque mécanisme à l’origine des plaques carbonisées.

Soudain, une violente brûlure lui glaça la nuque. Ses membres ne répondaient plus. Un homme l’épiait, ne cherchant nullement à cacher ses pulsions meurtrières. Après avoir reprit le contrôle de son esprit, l’ange vit volte face pour répondre à son agresseur. Il ne fut pas même surpris, en découvrant son identité. Il connaissait bien ces yeux, si froids, si perçants, emplis de haine et de tristesse ; un regard d’assassin.
Il n’y avait que cela qui n’avait pas changé en quinze ans. Il avait évidement grandi, ses cheveux avaient, tout comme lui, prématurément grisonné et sa carrure était des plus impressionnante.

Oui, il était là, enfin il retrouvait le Tueur d’Ombre : Sunkh.

Musique = Sunkh

« Salut à toi, mon frère. »

Quinze ans qu’ils ne s’étaient pas revus et c’était tout ce qu’il avait trouvé à lui dire.. Il faut dire qu’il hésitait entre l’éventrer tout de suite ou lui faire la discussion.

- On commence tout de suite ?
- Tu n’as pas changé Sunkh…
- J’aurais dû ?
- J’imagine.

La foule était dense et compacte, mais contrairement à Sankh, le diable n’avait cure d’aucune vie à part la sienne, il fondit droit sur l’Aasimar, épée en avant, fixée droit sur son cœur. Les badauds s’écartèrent terrifiés, une femme faillit se faire embrocher au passage et ne dut son salut qu’à un preux jeune homme qui l’écarta d’un revers de bras.

Il n’était plus là. Le Saint-Ange avait disparu…
Là ! Sur le toit !

- Tu me fuis encore et toujours ? A quoi bon ?
- Toujours aussi têtu frérot, ne mettons pas en danger des innocents, suis-moi si tu veux encore «discuter»…

Il disparut derrière un toit voisin. Le Tueur d’Ombre n’hésita pas à le poursuivre, il crut l’avoir perdu par deux fois mais son aura empestait le bien à des lieues.

Les deux jumeaux pénétrèrent ainsi dans une forêt dense et touffue. La lumière du jour peinait à dépasser les larges feuilles des grands platanes et les branches des cyprès obstruaient l’unique chemin qui sillonnait cette terre abandonnée par l’homme.

Après avoir aperçu un pan de la cape de Sankh disparaître derrière un bosquet à une allure folle, Sunkh déboula dans une clairière illuminée par le Soleil de midi.

- Assez joué ! Montre toi maintenant petite souris !
- Puisqu’il le faut, lui répondit-on derrière lui.

Ils se tournèrent autour, les yeux dans les yeux, sans ciller, sans frémir.

- Quinze ans… Quinze ans que j’attendais ce moment… Pas autant que toi j’imagine ?

- Je ne suis pas là pour me battre, j’ai une mission de Pelor, et tu en fais partie.

- J’ai moi aussi une tâche à accomplir de la part d’Asmodée : te trouver, « tu m’expliqueras » paraît-il, je t’ai trouvé, je peux donc te tuer non?

- J’ai juré que je te ramènerais sur le bon chemin, et je le ferais, de gré ou de force ! Je ferais renaître la graine d’amour qui est enfouie en toi !

- Le bon chemin ! Mon seul chemin est la puissance, tu le sais ! Quant à l’amour, je ne peux aimer.

- Même pas Anthera, notre mère ?

- Tu parles de celle que j’ai tuée ? Allons Sankh, cela fait bien longtemps que je suis insensible à ce genre de remarques. Oui j’ai aimé, une erreur de jeunesse sûrement. D’ailleurs quoi que tu en dises, je vois bien que tu ne m’as jamais pardonné.. Ton entraînement était-il vain ? Tu as toi aussi de la haine en toi, et même si tu essaies de l’oublier, elle sera toujours là, prête à exploser au moindre instant !

- J’ai des choses à te dire, nous devons changer la face des choses, notre querelle passe en second plan et…

- Assez ! Ta langue a déjà trop fourché ! Fais moi voir ta lame et voyons si tu mérites ma pitié.

Un sourire de plaisir intense accroché au visage, il s’élança vers l’ange. Chaque adversaire se testait, se jaugeait. Sunkh attaquait et son frère se défendait, il n’avait apparemment aucune envie de combattre mais ses répliques avaient de quoi inquiéter.

Ils étaient face à face... haletants.

- Passons aux choses sérieuses... T'es-tu amélioré en quinze ans?

Sa rage s'intensifia, il hurla. Son aura s'amplifia, devint si dense qu'elle était visible à l'oeil nu, une aura rouge comme l'aube, brûlante comme l'enfer. Elle émanait de tout son corps et créait un halo qui enveloppait son corps sur quelques mètres alentour.

- Je te reconnais bien là... Tu ne vois pas plus loin que ça... Tu ne penses qu'à la minute qui arrive. Qu'il en soit ainsi... jouons à ton jeu, peut-être pourrais-je te ramener à la raison...

Sankh fut illuminé d'un bleu pâle. Son énergie spirituelle se concentrait et s'intensifiait tout autour de son corps...

Aucun des deux ne prenait l'avantage, le combat ne semblait pas avoir de fin. Ce ne fut finalement que quelques minutes plus tard qu'ils s'arrêtèrent d'un même mouvement s'appuyant tout deux à un arbre, épuisés après avoir brûlé tant d'énergie.

- Me suivras-tu maintenant sombre idiot? Nous avons des choses plus importantes à faire que nous entretuer ! Tu pourras toujours me trancher la gorge pendant que je dors, mais pour le moment remplis les espoirs qu'Asmodée a placé en toi !

- ... Nous n'en avons pas fini avec ça... Mais montre moi donc ce qui intéresse tant le maître de Baator, si cela ne m'amuse pas je pourrai toujours te découper en rondelles à ce moment là.

Sankh esquissa un sourire en guise de réponse. Il avait réussi, temporairement mais réussi tout de même, : Sunkh l'accompagnerait pour un temps. Les deux frères marchaient désormais côte à côte, dans un but commun, en harmonie. Une harmonie bien fragile...

Les deux frères avançaient côte à côte, sans s’adresser la moindre parole. Ils ne se regardaient pas non plus, préférant s’ignorer que d’entamer une nouvelle dispute, et la plupart des passants n’auraient pu imaginé que ces deux hommes puissent avoir un quelconque rapport.

[Sankh&Sunkh]Livre IV : Les Veilleurs de Thessalie... Wpbasso10246ok

Les rues étaient combles...

Un frêle jeune homme vînt s’empaler sur l’épaule de Sunkh qui ne semblait pas l’avoir remarqué. Se confondant en excuse, il tenta discrètement de filer, prenant garde à ne pas croiser le regard du démoniaque. Ce dernier, sans même lui porter un regard, attrapa le jeune homme par l’encolure et le souleva de plusieurs mains au dessus du sol, fixant l’inconnu d’un regard menaçant. Ses doigts refermaient lentement l’étreinte mortelle sur leur victime, si bien que cette dernière commençait à suffoquer, accueillant la moindre bouffée d’air avec extase.

Sankh qui, par inadvertance, s’était éloigné de son double, s’empressa de le rejoindre, alerté par les cris du mourant.

-Sunkh !! Repose-le je t’en prie… L’aigle ne chasse pas les mouches… Pose-le.

Sunkh dévisagea son frère et approcha lentement ses lèvres de l’oreille de l’imprudent.

-Tu m’as bousculé…

-Désolé messire je…

Avant qu’il n’ait pu finir sa phrase, la cervelle du malheureux se rependait déjà sur la route pavée, inondant la moindre aspérité.

Le regard de Sankh était grave, tendu, tandis que Sunkh le provoquait d’un sourire narquois.

Les rues qui, quelques minutes auparavant étaient presque impraticables, semblaient à présent désertes. Le bruit des volets firent écho et le ciel se couvra brusquement, respectant la tension nouvellement installée.

Ils se fixaient, sans ciller, prêts à dégainer au moindre geste, les doigts crispés sur la poignée de leur arme respective. Puis le visage du Saint Ange se détendit et sa main se posa sur son cœur, il ferma les yeux, semblant chercher la cause de cette nouvelle dispute. Il se décida finalement à reprendre la route, précédant son jumeau dans l’allée centrale et prenant garde à éviter la marre de sang qui s’étendait à présent jusqu’à la mi-rue.

Sankh arriva seul au pied du Grand Arbre - lieu duquel ils s’étaient éloignés quelques décimes plus tôt – son frère ralentissant volontairement le pas.

Il vit soudainement la fine silhouette d’Azura traverser la ruelle sous-jacente, scrutant le moindre recoin de la place à la recherche d’un homme un peu trop curieux. Elle s’approcha de l’arbre, le contourna… pour ne plus reparaître.

Le Saint Ange, perdu dans le labyrinthe de ses pensées, fut ramené à la réalité par la main virile de son double sur son épaule.

-Alors vieux, t’as vu un fantôme ? Si tu voyais ta tête…

Il éclata d’un rire moqueur.

-Impossible…

Un détail évident, un souvenir lui échappait, il en était sûr, mais le rire démoniaque de son frère troublait sa concentration. Il décida de descendre inspecter le Grand Arbre de plus près. Il fit plusieurs fois le tour et s’assit en tailleur, les yeux clos, les portes de l’esprit grandes ouvertes. Le tableau semblait figé, seules les feuilles ondulaient au gré du vent. Plusieurs décilles passèrent.

-… Ca commence à bien faire tes conneries !! On attend le déluge ? Si tu cherches une porte, ‘suffit de la créer.

Il dégaina soudainement Alarnia, prêt à faire de cet arbre plusieurs fois centenaire un amas de copeaux, s’élança et trancha l’air, vif comme l’éclair, plus précis qu’un elfe.

Le bruit sourd surprit le Saint Ange, encore plongé dans ses pensées. Il ne compris pas de suite ce qui s’était passé, la seule chose qu’il voyait était son frère gisant par terre, l’épée démoniaque à quelques coudées de son corps endolori.

Sunkh se redressa enfin, caressant son crâne meurtri du plat de la main.

-Raaa !! Ca fait un mal de chien !

Remarquant le regard inquisiteur de son jumeau, il continua :

-Cet arbre… Il est pas normal. J’ai tapé de toute ma force dans ce foutu bout de bois !! De toute ma force Sankh ! Et regarde-le, il est toujours debout, il me nargue !!

L’ange émit un simple « hum » en guise de réponse et se replongea dans ses réflexions.

Il brisa finalement le lourd silence.

-Pourrais-tu créer une petite flamme, juste là, (dit-il en indiquant la plaque d’écorce calcinée qui couvrait une partie du Grand Arbre) s’il te plait.

Sunkh s’exécuta sans bronché, encore trop embué pour tenter de comprendre les indications. Il claqua des doigts et posa son index contre la paroi rappeuse de l’arbre.

Durant quelques décilles, il ne sembla rien se passer puis l’écorce s’imprégna lentement de la puissance maléfique jusqu’à former un petit cercle incandescent. Petit cercle qui s’étendit soudain sur l’arbre entier représentant finalement un énorme pentacle. Une trappe paraissant conduire dans les entrailles de Thessalie s’ouvrit brusquement sous les pieds du démoniaque, l'aspirant sans bruit, laissant l’ange incrédule, dépassé par les événements.

Le Saint Ange était tétanisé, tout s’était passé si vite… Le pentacle s’était allongé si rapidement, si brusquement et la trappe… Puisse Pelor lui laisser la vie sauve !

Sans une once d’hésitation, Sankh s’engagea dans le tunnel, prenant garde à bien s’accrocher à la paroi rocheuse afin d’éviter une chute potentiellement mortelle. Cette paroi offrait des prises qui ne semblaient pas naturelles, tant leur régularité et leur parfaite situation étaient évidentes. Néanmoins la descente se poursuivit plusieurs décans durant. Les crampes et les picotements prenaient lentement l’assaut des bras engourdis de l’ange et ce dernier manqua de tomber à plusieurs reprises.

Le fond du trou était remplit d’eau, certainement pas assez pour sauver un homme de la chute mais suffisamment pour redonner espoir à Sankh quant à la santé de son frère. Il nagea ainsi quelques minutes puis monta sur ce qui semblait constituer l’entrée de la grotte. Le couloir était très étroit et les murs parsemés de vives torches rendaient l’air affreusement lourd.

Après quelques foulées impatientes, la route de l’ange se vit barrée par une immense porte en chêne à double battant. Il semblait falloir plus de dix hommes pour l’ouvrir et Sankh ne s’y risqua même pas, craignant de laisser dans cette vaine tentative plus de force qu’il n’en eut fallut.

Il fit les cent pas, commençant à perdre patience, voyant les chances de survies de son frère diminuer au cours des secondes écoulées. L’ange, dans un geste désespéré, s’agenouilla et implora Pélor, plaçant son destin entre des mains divines.

Ses forces le quittaient petit à petit, ne laissant rien présager de bon. Son frère quittait lentement ce monde et Sankh n’allait pas tarder à le rejoindre. Pourquoi donc ? Si près du but ! Il avait retrouvé la seule personne qui lui était chère et l’homme de feu se trouvait sans aucun doute avec Azura, derrière cette lourde porte. Alors pourquoi ? Pourquoi…

-Salut…

Une main ferme se posa sur la tête du Saint Ange, l’obligeant à se retourner. Le visage de Sankh s’illumina de milles feux, son cœur s’embauma des parfums les plus délicats en voyant ainsi le propriétaire de cette main… Sunkh.

-Pas trop de bobos ?

Le démoniaque, malgré ses sourirs, avait une évidente difficulté à se tenir debout. Son corps était déchiré de toute part et une épaisse flaque rougeâtre s’était formée sous ses pieds. La chute ne s’était apparemment pas passée aussi paisiblement pour lui.

Voyant le regard effrayé de son frère, un rire étouffé s’échappa de la gorge de Sunkh.

-T’inquiète pas, je…

La fin de sa phrase fut avalée dans une profonde toux ne laissant rien présager de bon quant à l’état interne du tueur d’ombre.

-Ne bouge pas mon frère, ne bouge pas…

N’ayant même plus la force de repousser son double, Sunkh se laissa allonger au sol tandis que l’ange procédait aux premiers soins avec une application méticuleuse.

La vie du démoniaque n’étant plus en danger et ce dernier endormi, Sankh se laissa à son tour vaincre par l’épuisement, balsculant amoureusement sur son double…

Les yeux du Saint Ange peinèrent à s’ouvrir tant la lumière des torche alentours étaient vives. Celles-ci faisaient danser d’effrayantes ombres sur les murs de pierres de l’étroit couloir.

A peine réveillé que Sankh entamait déjà une parfaite analyse de l’immense porte, étant sur de l’existence d’un mécanisme semblable à celui de l’arbre. Il scrutait la moindre parcelle de pierre, s’attardant longuement sur chaque partie de la porte, ne voulant en aucun cas oublier ne serait-ce qu’un centimètre de l’édifice.

A l’extérieur, le soleil avait depuis longtemps passé l’apogée sans que Sankh n’ait pu trouver une solution. L’impatience embrumait l’esprit de l’ange, aussi retourna-t-il auprès de son frère, sans avoir oublier de déverser sa frustration sur la malheureuse porte.

Sunkh ne dormait plus, non, il semblait parfaitement réveillé, même un peu trop… Il regardait son frère avec des yeux exorbités, emplis à la fois de frayeur et d’excitation.

Un souffle chaud vînt caresser la nuque de l’ange.

-Soit j’ai bu, soit t’as un énorme truc enflammé derrière toi. Il a pas l’air content…

Le « truc » leva son arme et fendit l’air, faisant ainsi voler le sol en éclat là ou Sankh se tenait quelques secondes auparavant.

Le regard de l’ange balaya vaguement le monstre.

-C’est quoi cette…chose ?

Ce qui paraissait être le gardien de la porte ressemblait en tout point à un bélier. A quelques détails près…
Le monstre avait la taille des deux jumeaux réunis et la peau cendrée. De longues flammes émanaient de son corps taillé dans la roche et le sol cédait lentement sous son poids. Il portait une lourde hache ornée d’or et finement décorée, encore intacte malgré son utilisation récente.

[Sankh&Sunkh]Livre IV : Les Veilleurs de Thessalie... Belias2

[Sankh&Sunkh]Livre IV : Les Veilleurs de Thessalie... Belias2

Sankh et Sunkh sortirent leurs armes respectives et patientèrent, prêts à réagir au moindre déplacement d’air.

Puis la bête chargea le démoniaque, sans doute consciente de son affaiblissement. Ce dernier évita cependant l’attaque d’une esquive souple et gracieuse avant de contre-attaquer tout aussi admirablement. Le monstre ne dut son salut qu’à un réflexe hors du commun. Lame contre lame, les yeux dans les yeux, les deux créatures du mal se livraient leur propre combat, semblant avoir totalement oublié l’ange.

Voulant tirer profit de ce manque d’attention, Sankh concentra sa volonté dans Celesta qui fondit sur la bête en quelques instants. D’un mouvement plus rapide que les éclaires de Pelor, Sunkh s’interposa et encaissa le choc. Le sang abondait de son épaule gauche et coulaient le long de son corps comme un torrent de lave.

-Ca pique…

Remarquant l’incompréhension de son frère, il poursuivit :

-Ceci… Est mon combat. N’intervient pas, où je te tues.

L’ange tomba à genoux, totalement abasourdi par les paroles de son frère. « Quel imbécile ! »
Il se tînt donc à l’écart, se jurant tout de même d’intervenir si la situation devenait critique.

Le duel se prolongea encore plusieurs minutes, enchaînant attaques et défenses, esquives et parades, mettant à rude épreuve la patience et l’endurance de ses protagonistes.

La mine du démoniaque se crispait à présent après chaque mouvement trop brusque. Les plaies du guerrier s’étaient rouvertes et c’est dans une véritable marre de sang que ses bottes pataugeaient.

Au moment où Sankh mit la main au fourreau, un fin couteau vînt se planter dans le mur, à quelques millimètres de son oreille droite.

-Ne me gène pas…

L’ange soupira et se relâcha quelques instants afin de soulager ses muscles habités de crampes. L’instant d’après, la bête fondait sur lui comme un aigle fond sur sa proie : vif et imprévisible.

Et le sang jaillit…

La scène était figée. Celesta, de sa lame invisible avait littéralement décapité la bête qui tenait encore sa hache d’une main crispée. L’espace qui séparait l’arme du géant de la tête de l’ange était infime, à peine visible.

Une goutte rougeâtre perla la joue de Sankh.

-Merci qui ?

Le Saint Ange, encore assit, leva les yeux vers son double. Sunkh souriait. De longs filins de sang coulaient le long de son menton.
L’énorme hache du gardien était fermement enfoncée dans son épaule et semblait déchirer le démoniaque en deux. Ainsi Sunkh s'était interposé entre la lame et le corps de son frère...

Le bouc s’effondra sur le côté, emmenant avec lui son arme dans un bruit de chaire broyée.

-Im…Imbécile !!

-C’était… mon… comb…

Le tueur d’ombre vacilla sur le sol glacé, inconscient. L’ange céda à cette surcharge d’émotion, laissant se déverser sur son visage un torrent de chaudes larmes.

Et la porte s’ouvrit…

Les mécanismes complexes de la porte, elle-même cadeau de Primus ; premier Modrone de Méchanus; s'activèrent sous une série de cliquetis. Les tiges d'acier se dégagèrent une à une, libérant d'autres engrenages tout aussi épineux qui se déclenchèrent à leur tour. Sans connaître les cinq endroits où il fallait appuyer, la gigantesque porte ne pouvait être ouverte. Les béliers et les catapultes n'en viendraient pas à bout. Plus un son ne se fit entendre, l'espace de quelques secondes. Le mécanisme s'était arrêté.

Musique = Snake Thème

La porte s'ouvrit lourdement d'elle-même, balayant la poussière sur son passage. Un petit escadron d'une douzaine d'hommes en armures la traversa et encercla les deux frères. Derrière eux, un ange aux ailes dissimulées, fit son entrée. Vêtu de riches habits aux couleurs sombres et de parures dorées et étincelantes, l'homme avait tout d'un noble et rien d'un soldat. Son regard froid et sans expression en disait long sur sa personnalité. Et les gardes qui se tassaient sur son passage démontraient clairement qu'il était une personne importante dans ce repère. À son bras, pendu telle une compagne, se tenait une femme. Ange également, certains des traits de son visage étaient similaires à ceux du premier, tellement qu'on l'aurait prise pour sa soeur.

Vous êtes tout deux biens infortunés d'être tombés sur l'un des multiples repaires des Veilleurs. Il est évident que vous ayez suivi l'un des nôtres pour venir jusqu'ici et votre bravoure est à commenter puisque vous êtes venus à bout du gardien... cependant, j'espère que vous avez apprécié votre escapade, car elle se termine ici. Vous sentez le monde des morts à plein nez, je ne peux laisser deux êtres aussi puissants circuler librement sur la Thessalie. Au nom d'Exyle Medri, je rendrai moi-même le jugement.

L'ange se défit de l'emprise de sa concubine. Celle-ci comprit le message et recula d'un pas. La main droite de l'homme se mit à créer des centaines de particules d'énergie. Ces dernières prirent une forme en longueur, dessinant rapidement l'esquisse d'une épée. Le tout se matérialisa, prêt à rendre le châtiment. Le combat ne serait pas juste. Un total de quatorze personnes contre deux, dont l'une grièvement blessée.

Sankh releva péniblement la tête, une foule de questions se pressaient dans son esprit, mais les mots qui sortirent de sa bouche laissèrent perplexes tous les hommes en arme ici présents, le noble en premier.

Êtes-vous... Êtes-vous l'homme de feu ?

Les mots "homme de feu" avaient résonné dans la tête de l'exécuteur. Il ne les avait pas entendus depuis bien des années. Comment ces deux êtres des plans connaissaient-ils l'existence d'Ignus? Et encore, quelles étaient leurs intentions? Perplexe, le prince ne sut exactement ce qu'il devrait faire de ces deux-là. Il les ferait enfermer en premier lieu et improviserait la suite. Néanmoins, la naïveté de l'angelot le surprenait.

Ai-je vraiment l'air d'un homme de feu?... Lia.

D'un signe de tête, il pointa Sankh. La femme ailée sut rapidement quel rôle prendre. Passant d'abord son index sur ses lèvres voluptueuses, elle se mit en marche. Deux gardes s'écartèrent de son chemin. Elle aussi semblait détenir une certaine autorité. Liamaris se pencha vers l'être, affichant fièrement une expression aguicheuse. La charmeuse laissa ses doigts glisser dans la chevelure de l'inconnu. De son autre main, elle caressa son doux visage.

Tu sais mon cher... lorsqu'un homme est ainsi abordé par une jolie femme... il fait l'erreur de baisser sa garde.

Lorsque l'ange entendit ces mots, il était déjà trop tard. Il s'écroula sur le sol, plongé dans un profond sommeil. Le temps qu'il se réveille, le soleil se sera déjà renouvelé. Le second homme, Sunkh, semblait pour sa part, désireux de faire savoir qu'il n'avait toujours pas trépassé.

Pour qui tu te prends toi... Sankh est à moi, et hormis moi personne n'a le droit de le toucher. Tu vas regretter amèrement ton geste espèce de... Je vais te réduire en bouillie !

D'un mouvement brusque, Sunkh tenta de se jeter sur l'ange aux ailes dissimulés, mais les blessures que Sankh avait soignées auparavant se rouvrirent, il grimaça de douleur et son élan fut coupé net. Les soldats se firent plus menaçants, mais d'un mouvement de la main, l'homme en charge leur fit comprendre qu'il n'avait nul besoin d'eux. Le bras gauche se balançant inutilement dans l'air, Sunkh s'approcha lentement de son adversaire. Ce dernier retint son rire. le démon avait pour sur beaucoup de cran, lui tenir tête ainsi avec de telles blessures. Il semblait chaotique et impulsif. Mais ce n'était certainement pas ce qui lui sauverait la vie. Le jumeau tenta de lui assener un coup, mais il l'esquiva facilement. Un peu plus et le noble aurait taché de sang ses habits. Le mystérieux officier riposta, se servant d'une seule main pour renvoyer l'infirme sur le plancher de terre. Celui-ci rejoignit son frère dans le royaume des rêves.

Qu'on les enferme au cachot. Et que quelqu'un soigne les blessures du deuxième. Je ne veux pas qu'il ne meure... pas aussi tôt.

- Chéri.. Tu me fais mal !

Une fois de plus, la voix d’Anthera résonnait dans le vide absolu.

- Lâche moi Sunkh ! Lâche moi !

Si elle l’avait aimé, elle serait encore en vie. Si elle lui avait accordé ne serait-ce qu'un peu d'attention elle respirerait encore ! Si elle n'avait pas avoué à son oncle qu'elle ne l'aimait pas, elle embrasserait encore chaque matin comme le dernier...
Oui... il l’avait tuée… et jamais au grand jamais il ne l’avait regretté. Après tout, elle n’avait eu que ce qu’elle méritait ! Un être aussi pur n'était-il pas censé aimer son propre fils ? Sankh avait pu briller dans toutes les matières, il était applaudi, encouragé, réconforté. Personne n'avait été là pour le "Cornu"... Que serait devenu sa vie s’il ne l’avait pas exécuté ainsi, de sang froid ? Il serait devenu le larbin des Aasimars, sans aucun doute.
Sankh… La perte d'Anthera avait dû être un choc pour lui, elle qui le chérissait tant. L'ange devait toujours lui en vouloir malgré les apparences... Qui ne lui en voudrait pas pour le meurtre de sa génitrice ? Derrière cette carapace qu’il s’était formé à l’entraînement, il y avait toujours cette petite parcelle de haine en son jumeau. Si seulement Sunkh parvenait à raviver cette flamme, cela promettrait d’être amusant. Plus amusant que de le tuer tout de suite c’était certain.
Le diable sursauta. Son frère se tenait debout, devant lui, son épée Celesta à la main. Ses yeux trahissaient une colère sourde et froide... Cette fois ça y était... le flambeau de la haine s’était ranimé, le Saint Ange n’éprouverait plus aucune pitié… Quelle vision apocalyptique que ce visage, habituellement doux et souriant, exprimant une fureur et un dégoût sans limites. Pour un peu, le diabolique en aurait été effrayé. Son jumeau n'était plus le même. Oublié le gentil petit protecteur de la veuve et de l'orphelin. Oublié le sauveur rassurant, qui surgissait pour arrêter l'expansion du Chaos. Oublié son frère. Ce n'était plus Sankh. On aurait plus dit un deuxième Lui

- Je vois que tu as suivi mon conseil cher frère... Tu ne peux imaginer à quel point tu es beau ainsi. La rage te va si bien... Peut-être vaux-tu la peine d’être tué désormais…

- Tu vas mourir Sunkh. Pour tout ce que tu as fait.

Ce faisant, il leva lentement son arme dans les airs, son but était clairement de trancher le diable en deux, ce n’était plus de la rigolade. L’ange ne trahissait plus aucune émotion, il s’était laissé corrompre par la haine qui le dévorait de l’intérieur depuis plus de quinze ans...
Un sourire malicieux se dessina sur les lèvres du diable, il avait tant attendu ce moment où ils pourraient enfin se battre, lui et son double, de toute leur force... de toute leur haine ! Le Tueur d’Ombre tenta de se relever rapidement pour esquiver la lame qui arrivait sur lui à toute vitesse, mais il se rendit compte avec effroi qu’il était attaché au lit. Il tenta bien de défaire ses liens, s’arrachant les chairs sur les cordes qu'il avait aux poignets mais rien n’y fit. Celesta arrivait à toute allure sur son torse. Il hurla. De rage, de désespoir, de frustration. Tout ça pour finir ainsi… Tué par ce vermisseau...

Il se réveilla en sursaut, trempé de sueur. A ses côtés, Sankh dormait toujours, allongé lui aussi dans un lit aux draps frais. Cette ensorceleuse était puissante, maintenir le Saint Ange dans un état second aussi longtemps n’était pas la plus aisée des tâches. Assis sur sa couche, Sunkh réfléchissait, se remémorant rapidement les derniers évènements. Ce noble qui les avait endormi tout deux ne les avait pas tué, il devait attendre quelque chose de leur part. Vêtu d’un simple tissu autour de la taille, le Tueur d’Ombre était couvert de bandages aux multiples endroits où il s’était contusionné.

Soudain, une violente secousse lui fit littéralement exploser les tympans. Quelqu’un était présent dans la salle, autre que son frère, et ce quelqu’un essayait de percer ses défenses afin de s’introduire dans ses pensées. Habitué à ce genre d’attaques, le diable se reprit et repoussa avec aisance l’attaque mentale.

*Clap… Clap… Clap.*

Le visage de leur précédente rencontre émergea de la pénombre…

Comme un grand... J'aurais été peiné si celà avait été si facile. Essayons alors de dialoguer. L'on me surnomme Snake et tant que vous serez prisonniers de ce refuge, je serai la source de vos hurlements. Si tu répond à mes questions sans mentir, je saurai me montrer clément.

Snake ? Quel nom ridicule. Je te trouve bien prétentieux, mais c'est bien là votre façon si unique de parler à vous, les nobles n'est-ce pas ? Toute l'arrogance et le dédain d'une classe se ressentent à travers tes mots... Inutile de poser tes questions, tant qu'elles ne me seront pas d'une quelconque utilité je n'y répondrai pas. Ce serait plutôt à toi de me répondre.

Les manières et le sens de la courtoisie ne semblent pas être l'une de tes meilleures caractéristiques. Il était évidemment vain d'espérer cela de la part d'un simple roturier. Cependant, il te faudra apprendre rapidement.

L'Ange Cornu vint s'assoir sur le lit de Sankh, une idée bien précise en tête. Le démon était robuste et ne céderait pas facilement, il fallait donc user de finesse pour le faire parler.

Tu as appelé ce garçon "Sankh", hier, lorsque Lia l'a endormi. À vous regarder tout deux, j'en conclus qu'un lien de sang vous unit...

Le prince dégaina la dague qu'il tenait à sa ceinture. Il la fit d'abord tourner entre ses doigt puis l'appuya contre la gorge de l'Aasimar. Les discussions iraient peut-être plus rapidement ainsi. Et si le tieffelin refusait tout de même de céder, Snake les interrogerait séparément, sous la torture.

Si tu insiste encore à ne pas répondre, cela pourrait être désastreux pour celui-ci. "Sankh est à moi", ce sont les mots que tu as utilisés. Eh bien, jusqu'à nouvel ordre, il est mien et le restera tant que je n'aurai pas les réponses que je cherche.

Le Tueur d'Ombre fixa quelques instants son interlocuteur, les yeux hagards... Il allait dire quelque chose quand il se ravisa et éclata d'un rire profond.

Tu... Tu crois me faire parler en menaçant mon frère ? Sankh ? Tu... Tu crois vraiment que je vais répondre à tes questions pour sauver la vie de ce bâtard !? Non... Mon très cher Snake, tu es quelqu'un de très hilarant mais je crois que tu ne cernes pas bien la situation. Je hais Sankh, lui et tous les Aasimars d'ailleurs. Je le hais depuis que je suis né à ses côtés, il ne se passe pas un instant où je rêve de voir mon épée enfoncée entre ses côtes. Il est la première personne que je désire tuer, et tu me menaces de le faire ? Il est vrai que j'éprouverai plus de plaisir à l'exécuter moi-même mais cela m'est égal, je consens à te laisser ce délice de "chair pure", "Sainte" comme il dit... Peuh, répugnant... Je n'aurai donc même pas besoin de me fatiguer pour exterminer cette vermine. C'est très aimable de ta part de me rendre ce petit service.
Enfin... Fais donc ! Pose moi tes questions... Si elles me plaisent peut-être que j'y répondrai, mais jamais au grand jamais je ne t'accorderai cette joie sous la menace...

Sunkh qui démontrait tantôt une réticence à répondre aux questions de l'Ange Cornu, faisait désormais preuve d'un peu plus de sagesse. Il mit en avant le fait que le sort de son frère ne l'inquiétait aucunement, ce que l'interrogateur avait de la misère à croire au vu de la nouvelle ouverture d'esprit dont le premier faisait part à présent. Desmond rengaina sa dague, libérant Sankh d'une mort déloyale. La suite allait dépendre des réponses fournies. S'ils étaient tous deux espions, la vie leur serait retirée. Si le démon mentait, la torture aurait lieu, au plus grand plaisir du prince. Et il était hors de question de concevoir que ces deux êtres des plans étaient arrivés sur Thessalie par pur hasard, tout comme sur ce repère. Les dés étaient jeté pour eux. Au bout du compte, ils finiraient accrochés au mur en tant que trophée de chasse.

Alors dis-moi, prisonnier... pourquoi cherchez-vous l'homme de feu? Et je te prie de ne pas me laisser sur ma faim.

Prisonnier ?

Sunkh partit d'un grand rire...

Quel que soit le cas tu ne lâcheras pas cet air hautain qui t'habite hein ? J'aime ça, ne jamais bouger de ses positions... Tu me parles d'un homme de feu, mais m'as-tu entendu le citer une seule fois ? Je n'ai connaissance d'aucun homme de feu, mais vu l'impression qu'il te fait il doit être puissant... Très puissant même. En as-tu peur, noble ? Réponds à ma question et je répondrais aux tiennes...

L'Ange Cornu avait l'étrange impression qu'on se jouait de lui. Il vint à se demander si sur les plans, c'était les prisonniers qui posaient les questions aux tortionnaires. Néanmoins, lui révéler un peu de vérité ne pourrait être bien désastreux, la mort attendait les deux planaires de toute façon.

Tu n'en as pas parlé, mais ce Sankh, si. L'homme de feu insuffle la peur chez plusieurs gens en effet. Pour moi, il est une vieille connaissance que je recherche. Puisque tu sembles plus ignorant que Sankh, je patienterai son réveil. Maintenant à mon tour. C'est ainsi que le jeu fonctionne, non? Que faites-vous sur Thessalie? Une balade au grand air je présume.

Et en plus de ta courtoisie tu possèdes un sens de l'humour très développé. De plus en plus intéressant. A vrai dire, j'ai très envie de rencontrer cet homme, peut-être pourrais-je le combattre... Cela pourrait se réveler amusant...
Mais pourquoi ne pas aller droit au but ? Ta question en regroupe plus d'une centaine d'autres, à quoi bon se le cacher ? Apparament tu ne connais rien de nous, j'en déduis qu'Asmodée ou Pelor ne t'ont pas parlé de nous,

Il s'arrêta un temps, observant avec une attention non feinte, les réactions de son protagoniste... Ce dernier ne bougea pas d'un poil.

Décidement, tu sembles malin, je devrais me méfier... Tu dissimules à merveille tes émotions, je t'en félicite. Seulement si tu savais que c'est Asmodée lui-même qui m'envoie, tu ne m'aurais pas posé toutes ces questions. J'ai beau avoir l'air d'un casse-cou, je n'en suis pas pour autant complètement stupide...

Pendant un temps, il cessa de parler, retirant avec ardeur ses bandages et vérifiant que ses blessures cicatrisaient bien. Il reprit simplement, sur le ton de la conversation :

J'ai bien envie de me battre contre toi. Tu es malin, tu n'es pas dépourvu de magie comme ces bâtards d'Ombres et apparament, le combat ne t'est pas étranger, sinon pourquoi aurais-tu laissé mon épée à mes côtés ? Et dans le cas contraire, je serais sûrement pieds et mains liés en ce moment...
Tu me plais, malgré ton attitude pompeuse et ton style vestimentaire démodé. Peut-être auras-tu l'honneur de me défier en duel après ce maître des flammes.
Malheureusement le seul qui pourra te répondre sur ce dernier se trouve être...

Tout en parlant, il s'était saisi d'Alarnia et après quelques rapides mouvements dans l'air, comme pour pourfendre un ennemi invisible, il s'en saisit à deux mains et du plat de l'épée, frappa son jumeau à la tête, un coup qui aurait assomé plus d'un humain... Mais connaissant l'ange, il se disait qu'il y survivrait...
Le baron avait tout d'abord esquissé un mouvement pour arrêter le diable car en aucun cas il ne pouvait se permettre de perdre sa seule source d'information concernant ces deux arrivants, mais avait rapidement compris les desseins de Sunkh.
Le Saint Ange encaissa le choc de plein fouet, hurlant et bredouillant de surprise, il avait certainement connu réveil plus chaleureux.

Un crétin fini d'ange, doublé d'un puceau horriblement criard... lâcha-t-il, un grand sourire collé au visage.

Tu parles beaucoup trop, et tes méthodes sont plutôt étranges... quoique le résultat y est. N'espère cependant pas de remerciement de ma part.

Se tournant vers l'ange, Snake poursuivit:

Tu as fait de beaux rêves, Sankh?

Une violente douleur lui déchira le crâne.

Il hurla sans s’en rendre compte, posant la main là où l’épée de son frère l’avait percuté quelques secondes auparavant. Il saignait abondamment de la tête mais ne semblait pas y prêter quelconque attention. Une moue déçue se dessina sur le visage de Sunkh, peut être aurait-il préféré le voir se tordre de douleur à ses pieds… L’indifférence : sa carte maîtresse face à son frère. Sankh lui adressa d’ailleurs un franc sourire, heureux de le voir encore en un morceau, ce qui eut le don de l’énerver au plus haut point. L’amour le dégoûtait-il à ce point ?

C’est à peine s’il entendit la question de l’homme se trouvant devant lui.

-Tu as fait de beaux rêves, Sankh?

La phrase était courtoise mais le ton ne l’était pas ; une pointe d’ironie doublée d’une arrogance accrue.

-J’ai connu nuit plus douce, Sire.

Voyant que personne ne poursuivrait la « discussion », il décida de la prendre en main, sachant fort bien que sa langue était la dernière arme qui lui restait mais également la plus puissante face à cet homme.

-Seigneur, je me nomme Sankh, connu en ma terre natale des Champs Elysées sous le nom de Saint Ange. Je suis ici en tant qu’envoyé de Pelor à la recherche de l’homme de feu. Sire... ?

-Snake.

-Sire Snake, j’aimerais en apprendre plus sur ma mission, je sais que vous pouvez m’éclairer, je sens dans vos yeux que rien n’a de secret pour vous et…

Snake le coupa d’un geste de la main imposant le silence. Il le scruta plusieurs secondes durant, comme essayant de sonder son esprit et déclara d’une voix monocorde :

-En quoi cet homme de feu t'es important? Pour qu'elle raison le cherches-tu? Répond à ceci et je verrai ensuite pour tes questions.

Le Saint Ange hésita un instant, conscient de l’importance de ces informations, ainsi que de leur dangerosité dans de mauvaises oreilles. Ne voyant d’autres alternatives, il se décida à tout avouer audit Snake, réalisant qu’elles ne lui seraient d’aucune utilité une fois mort.

-Mon frère et moi-même sommes des élus des plans, appelés respectivement par Asmodée et Pelor dans l’unique but de retrouver l’homme de feu, qui, devrait en toute logique nous expliquer les clauses de cette aventure au sein d’un regroupement n’ayant pour unique but que de maintenir l’équilibre parfait de Thessalie. Je pense que tout ceci ne vous est pas étranger, sire Snake. Peut-être pourrez-vous m’en apprendre plus sur ce regroupement, voir même me présenter celui que l’on appelle « homme de feu »…

-Asmodée et Pélor, hum? ... Ils osent croire que je ne saurai pas m'acquitter de cette tâche seul? Je maudis ces marionnettistes pour ne rien savoir faire eux-mêmes. Tu veux en savoir plus sur l'homme de feu? Pour quelques raisons que ce soit, connues de lui seul, il insista pour que son nom ne soit jamais dévoilé ouvertement. Mais puisque cet incapable ne semble toujours pas vouloir sortir de sa cachette, je n'aurai aucun remords à vous dire qu'il se nomme Ignus. Un ancien sorcier très puissant, peut-être bien plus puissant que je ne le suis. Un maître du feu, un pyromancien comme le monde n'en a jamais connu auparavant. Si vous voulez en savoir plus sur lui, il faudra le trouver vous-même et le questionner. Cependant, pour votre information, il est, ce que vous pourrez considérez comme étant l'instigateur du projet dont tu viens tout juste de mentionner, Sankh.

Le maître des lieux se leva puis franchis la porte. Avant que cette dernière se referme pour établir un mur entre les trois hommes, Desmond rajouta un dernier avertissement.

-Je n'ai pas besoin d'aide ou de support venant de deux adolescents qui, par leur inattention et leur naïveté, sont tombés dans une situation où ils se sont fait prisonniers. Vous ne m'êtes d'aucune utilité et je vous conseil vivement de ne plus tenter de vous mêler de ce projet, cela ne vous concerne désormais plus. Comme si vous pouviez sortir de ce donjon d'ailleurs...

Snake obligea les gardes à refermer la lourde porte d'acier derrière lui. Il leur donna également quelques directives. Bien que murmures, il fit en sortes que chaque mot sortant de sa bouche soit également entendu par les deux captifs.

-Doublez la garde pour cette nuit. Nous ne serons jamais assez prudents...

~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

Les heures passèrent sans que les deux frères ne s’adressent la moindre parole. Ils ne se regardaient même pas ; le Saint Ange en train de méditer dans un coin de l’étroite cellule, le Tueur d’Ombres de l’autre côté, adossé contre la porte qui les retenait prisonniers.

-Tu parles d’une connerie… « Trouver l’homme de feu ». J’vais éclater cette foutue porte et mettre ce repère de sauvages à feu et à sang.

-Reste calme, Sunkh. Le plus dur n’est pas de s’évader de cette pièce mais bien de sortir de ce bâtiment en un morceau ; pas moins de vingt gardes nous attendent derrière ces murs.

-Vingt-deux, oui. Là n’est pas le problème, Sankh. Il ne nous faudra pas plus de dix secondes pour éviscérer ce ramassis de fermiers. Le pire des scénarios nous mettrai Snake dans les pattes.

-Dix pour les tuer, certes, mais beaucoup plus pour les garder en vie. Ne pose pas le petit doigt sur eux, mon frère, ne m’oblige pas à…

Sunkh se trouvait déjà sous son nez, Alarnia dégainée, le regard flamboyant.

-À… ?

-… Rien. Sortons.

Le Saint Ange se releva, s’épousseta et se plaça aux côtés du démoniaque, devant le portail massif qui les séparait de la sortie.

-D’après leur respiration, je dirais que cinq d’entre eux se postent juste à droite de la sortie. Ces gros porcs jouent aux cartes, nous bénéficierons donc de l’effet de surprise. Quinze de plus surveillent l’entré et la sortie du long couloir que tu vois droit devant. A leur aura pitoyable, il semble que moins de trois d’entre eux sachent manier une lame correctement, le reste n’est là que pour impressionner. Une fois au bout de ce couloir, il ne nous restera plus qu’à trouver la sortie… ou à la créer.

Un sourire démoniaque vint déchirer le visage de Sunkh.

-Mêmes déductions de mon côté, allons-y.

A peine eut-il fini sa phrase qu’une immense boule d’énergie fit apparaître un trou béant là où se trouvait quelques secondes plus tôt la massive porte et le mur la soutenant.

-Occupe toi d’eux, je prend l’avant-garde.

Un clignement d’œil plus tard, cinq hommes s’écroulaient à terre comme de vulgaires sacs, inertes, sous une fine pluie cartonnée rouge et noire. C’est à peine si on pouvait apercevoir la légère marque rosée qui couvrait leur nuque.
Sankh se précipita vers l’étroit couloir où s’était dirigé son frère à sa sortie, conscient que chaque centième de seconde leur était présentement compté. Il redoutait plus que tout de se retrouver face au « serpent », rencontre qui serait sans aucun doute synonyme de mort prématurée.

Une violente odeur pénétra ses narines, provoquant en lui un profond malaise accompagné de nausées. Il avait déjà senti cette odeur, oui, le jour où son frère était parti sans mot dire, laissant derrière lui le cadavre de leur mère.

Un horrible spectacle se dessina alors sous ses yeux. Du sang, beaucoup de sang. Les brefs bruits de succion sous ses pieds lui firent remarquer que les tripes des soldats se déversaient sur le sol à l’instar de leurs membres que l’on retrouvait de part et d’autre du couloir, peignant sur les murs de macabres dessins. Pas un seul n’avait survécu. Pas un seul n’avait eu le temps de crier, si bien que les visages des soldats étaient pour la plupart figés dans des grimaces de cris étouffés.

Sunkh se tenait à la débouchée du tunnel, tenant Alarnia comme la Grande Dame tiendrait sa faux. Avant qu’il n’ait eu le temps de prononcer la moindre parole, des clappements de mains résonnèrent dans l’impressionnante pièce sur laquelle ils avaient fait irruption quelques instants auparavant. Aucun doute possible quant à l’identité de leur créateur, qui s’extirpait lentement de la pénombre, la mine réjouie.

-Bienvenue, Veilleurs de Thessalie.

» [Sankh&Sunkh]Livre II : Sankh, le Yang.
» [Sankh&Sunkh]Livre III : Sunkh, le Yin.
» [Sankh&Sunkh]Livre I : Anthera, le commencement d'une vi
» [Zarkain] D'Ysgard à Thessalie, le voyage d'une vie
» [Azura/Sankh] Déclaration